S’il a refusé d’ordonner la création d’un centre d’accueil d’urgence à Calais, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a donné dix jours à l’Etat et à la ville, lundi 26 juin, pour « éviter que les migrants soient exposés à des traitements inhumains », dont la création de points d’eau et de sanitaires pour les quelque six cents migrants qui ont l’espoir de rejoindre le Royaume-Uni.

Onze ONG, dont les « historiques » du Calaisis, et plusieurs dizaines de migrants, avaient déposé conjointement le 16 juin un référé-liberté, afin de réclamer le minimum humain, demandant prioritairement la reconstitution d’un lieu d’accueil et une meilleure prise en charge des nombreux mineurs qui errent en périphérie de la ville.

Pour les associations requérantes, la décision du tribunal administratif de Lille rendue lundi constitue « un début » dans l’amélioration de l’accueil des exilés. « Le tribunal n’a pas été très généreux », estime Claire Millot, secrétaire générale de Salam, « mais il a fait le minimum », « de l’eau et des sanitaires ».

C’est aussi l’avis de la présidente de la Plate-forme de soutien aux migrants, Martine Devries :

« On est contents que le juge prenne en compte l’absence de prise en charge élémentaire des exilés à Calais. (...) C’est un appui pour les associations à ce que les autorités se penchent sur la question, ce qu’elles refusent de faire pour le moment. »

Mi-juin, le Défenseur des droits Jacques Toubon avait jugé « sans précédent, les atteintes aux droits fondamentaux les plus élémentaires dont sont victimes les exilés, notamment les mineurs ».

« Sur le fond, on considère qu’on a gagné, a déclaré à La Voix du Nord, François Guennoc, vice-président de l’association L’Auberge des migrants. Le tribunal administratif a reconnu le caractère d’urgence de la situation, la nécessité de donner accès aux droits fondamentaux et d’arrêter d’entraver le travail des associatifs. Le juge semble demander une concertation entre les associations et la préfecture pour mettre en place ces mesures, et nous sommes favorables à cette concertation. »

« Le législateur reconnaît la nécessité de travailler avec les associations »

Vincent de Coninck, chargé de mission du Secours catholique dans le Pas-de-Calais, veut pointer que « le législateur reconnaît l’impérieuse nécessité de travailler avec les associations » et « nous invite à déployer et à prendre en compte notre savoir-faire ». Une déclaration qui fait directement écho aux propos du ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, qui avait déclaré aux associations le 23 juin lors de sa venue à Calais « qu’il y a peut-être d’autres lieux que Calais où elles pourront déployer leur savoir-faire ». Des propos jugés « intolérables » par Vincent de Coninck.

Il aurait aimé que la décision du tribunal administratif « aille plus loin » en matière de distribution alimentaire et la mise à l’abri. Les associations requérantes demandaient d’ouvrir un lieu dans lequel l’Etat (et non plus les seules associations) pourrait assurer une distribution de repas, conformément à l’obligation qui est la sienne de tenir compte des besoins élémentaires des exilés. Mais c’est « une étape », reconnaît-il. Le tribunal a imposé à l’Etat de laisser les associations distribuer des repas dans les conditions fixées par le juge des référés en mars. En dépit de l’ordonnance du 22 mars, les distributions ont été entravées ou interdites par la police à partir de mai.

« Des exigences inacceptables » pour la maire LR Natacha Bouchart, qui a annoncé dès lundi soir sur son compte Twitter qu’elle n’appliquerait pas les mesures locales du tribunal administratif de Lille et veut faire appel de cette décision avec la préfecture. « Considérant que les réponses humanitaires peuvent être apportées en dehors du Calaisis, les élus de la majorité ont unanimement décidé de ne pas mettre en œuvre les mesures imposées sur le plan local et de faire appel », a-t-elle aussi déclaré à La Voix du Nord.

Une position « banalement choquante » résume Vincent de Coninck, dans le contexte plus général d’une « politique locale de l’asile qui nie les droits fondamentaux ». « Cela interroge des fondements de notre société », assure-t-il. Les associations vont prendre le temps de la réflexion. « On ne peut pas dire que c’est le confort à Calais qui attire les gens », conclut Martine Devries.