Les passagers des RER bondés, pénalisés par des travaux sur le réseau ou transportés dans des trains non climatisés risquent de trouver la facture salée : Valérie Pécresse a décidé d’augmenter le forfait Navigo mensuel de 73 euros à 75,20 euros au 1er août. La présidente (Les Républicains) de la région devait faire valider cette hausse par les élus du Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) mercredi 28 juin.

Elue avec la promesse d’engager « la révolution des transports », Mme Pécresse justifie cette augmentation par un effort financier du STIF sans précédent : elle prévoit 100 millions d’euros de fonctionnement et un milliard d’euros d’investissements supplémentaires en 2017. Soit deux fois plus que le montant moyen annuel (540 millions d’euros) entre 2010 et 2015, consacré à l’achat de nouveau matériel.

Extension de la vidéoprotection

Au 1er août 2016, la carte Navigo mensuelle était passée de 70 à 73 euros. Mme Pécresse avait pris cette décision pour financer, dit-elle, « exclusivement l’amélioration de la qualité de service aux usagers ». Un an après, la présidente de la région invoque pour motiver une nouvelle hausse son plan de rénovation et d’achat de 708 rames de RER ou de Transiliens qui coûtera 10 milliards d’euros d’ici à 2021. « Depuis 2015, 530 rames ont déjà été achetées pour 3,6 milliards d’euros. Le STIF n’a jamais commandé autant de matériel roulant sur une période similaire », souligne son directeur général, Laurent Probst. Mme Pécresse prévoit également la mise en circulation d’un millier de bus supplémentaires entre 2017 et 2020 pour renforcer une flotte de 9 500 véhicules ; la création de 15 000 places de parking relais, l’embauche de 900 agents de sécurité dans les gares, l’extension de la vidéoprotection sans oublier le financement de nouvelles gares, dont celle de Rosa-Parks à Paris (19e), qui dessert le RER E ou de nouvelles lignes de tramways.

Le feu vert du STIF mercredi à une hausse de 2,20 euros du passe Navigo mensuel devrait dégager 70 millions d’euros de recettes par an. Ils contribueront à financer 100 millions des dépenses de fonctionnement supplémentaires dans le budget 2017. Les 30 millions d’euros restants seront couverts grâce à l’augmentation en volume des recettes du versement transport dont s’acquittent les entreprises au STIF, de la hausse du trafic et du produit de la taxe intérieure sur les carburants et les produits énergétiques (TICPE) qui rapporte davantage que l’an passé grâce à la reprise de l’activité économique.

Le STIF, qui va débourser un milliard d’investissements supplémentaires en 2017, va s’endetter pour 500 nouveaux millions d’euros. La gauche et les écologistes contestent la nouvelle hausse des tarifs qui aboutit à « une augmentation cumulée de 7,4 % en deux ans du passe Navigo », rappelle le Front de gauche. L’opposition régionale conteste surtout les arbitrages concernant la mise à contribution des entreprises.

En juin 2016, Mme Pécresse s’était félicitée d’avoir limité la hausse du forfait Navigo mensuel à 3 euros alors que « le prix d’équilibre du passe mensuel aurait dû être de 85 euros », expliquait-elle à l’époque. Mis en place par son prédécesseur Jean-Paul Huchon (PS) à la veille des régionales de décembre 2015, le forfait Navigo à tarif unique aurait dû se solder par une perte de recettes pour le STIF de 300 millions d’euros du fait de la suppression de la tarification par zones. Pour compenser ce déficit, Mme Pécresse a conclu, en juin 2016, avec Manuel Valls un accord qui a autorisé la région à augmenter la taxe intérieure de compensation sur les produits énergétiques (TICPE) de 100 millions d’euros. Celle-ci reverse cette manne au STIF.

L’accord Valls-Pécresse a surtout débouché sur une évolution en loi de finances du taux du « versement transport » dont s’acquittent les entreprises franciliennes. Ce qui a permis au STIF d’engranger 200 millions d’euros supplémentaires.

« Déséquilibre habitat-emploi »

Le groupe Front de gauche (FDG) à la région reproche toutefois à M. Valls et à Mme Pécresse d’avoir « augmenté le versement transports des entreprises dans les départements les moins riches, comme le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis, de façon beaucoup plus importante qu’ailleurs. Ainsi, les entreprises de Créteil ou de Bobigny verront leur contribution augmenter trois fois plus que celle des Champs-Elysées ou de La Défense. Ce choix va renforcer le déséquilibre habitat-emploi entre l’Est et l’Ouest », ajoute le FDG. Plutôt qu’une hausse des tarifs, les élus de l’opposition régionale plaident pour une hausse du « versement transport » à Paris et dans les Hauts-de-Seine où se concentrent les plus grandes entreprises.

Mme Pécresse estime que les entreprises qui auront au total, depuis 2015, mis la main à la poche pour 350 millions d’euros supplémentaires au titre du « versement transport » ont été suffisamment sollicitées. En revanche, l’exécutif régional fait savoir que la hausse pour les usagers devrait se poursuivre à raison de 3 % par an pendant quinze ans pour faire face aux besoins de financements nouveaux. Il s’appuie sur une étude Ernst and Young réalisée en mars à la demande de Mme Pécresse. « Entre 2010 et 2015, la hausse moyenne des tarifs des transports à été de 2,85 %. Celle votée mercredi est de 2,5 % », relativise le STIF.

Même en assumant le prix politique de hausses tarifaires en cascade dans les années qui viennent, Mme Pécresse affirme qu’elle est confrontée « au mur du financement » du futur métro Grand Paris Express qui doit entrer en service entre 2023 et 2030. « Nous allons devoir trouver d’ici à 2030 un milliard d’euros annuel pour son fonctionnement et 2 milliards d’euros en tout pour l’achat des rames qui circuleront sur les quelque 200 kilomètres de nouveaux rails », calcule M. Probst.

Des pistes sont régulièrement évoquées : la baisse de la TVA sur les transports, la création d’une écotaxe poids lourds régionale. « Mais rien de concret jusqu’ici », déplore le directeur général du STIF.

Dans une interview donnée en mars au magazine Grand Paris Développement, Emmanuel Macron considérait le Grand Paris comme « une grande priorité nationale, qui mérite d’être soutenue par l’Etat et portée par le président de la République lui-même. Je m’en occuperai donc », avait-il déclaré.