Google accepte de déréférencer des liens dans certaines versions de son moteur de recherche seulement. | DADO RUVIC / REUTERS

Quand une juridiction impose à Google de déréférencer certains liens de son moteur de recherche, cela doit-il s’appliquer à toutes les versions du site, partout dans le monde ? Depuis plusieurs années, Google lutte contre cette idée, notamment en Europe. Mais mercredi 28 juin, c’est au Canada que le grand groupe spécialiste du Web a perdu du terrain.

La Cour suprême canadienne a en effet ordonné à l’entreprise d’effacer certains liens, qui étaient déjà déréférencés dans la version canadienne du site, sur l’ensemble du moteur de recherche. Le plus haut tribunal du pays s’exprimait dans le cadre d’une affaire liée à l’entreprise Datalink, reconnue coupable d’avoir copié un produit de l’entreprise Equustek pour le vendre sur son propre site, sous sa propre marque. Equustek avait réclamé que le moteur de recherche déréférence les liens Datalink.

Google s’était exécuté, retirant plus de 345 liens de sa version canadienne, mais refusait de le faire au niveau mondial. La Cour suprême lui a donné tort, considérant que supprimer ces liens n’était pas une atteinte à la liberté d’expression, contrairement à ce que plaidait Google.

« L’Internet n’a pas de frontières », peut-on lire dans le jugement. « Son habitat naturel est mondial. La seule façon de s’assurer que l’injonction atteigne son objectif est qu’elle s’applique là où Google opère – mondialement. »

La décision a été accueillie avec joie par Equustek, mais aussi par d’autres acteurs, comme des représentants de l’industrie musicale canadienne. « Cette décision confirme que les plates-formes en ligne ne peuvent pas faire l’autruche face aux activités illégales qu’elles facilitent », a expliqué Graham Henderson, président de Music Canada, au site CBCnews.

En Europe, la question toujours en suspens

Mais ce jugement a aussi soulevé des inquiétudes. L’Electronic Frontier Foundation (EFF), une grande organisation américaine de défense des libertés numériques, a estimé dans un communiqué que cette décision « était contraire à la Constitution américaine et à la protection de la liberté d’expression. Donner un ordre qui supprimerait l’accès à de l’information à des utilisateurs américains représenterait un dangereux précédent pour la liberté d’expression. En clair, cela donnerait le pouvoir à n’importe quelle cour dans le monde de modifier l’Internet tout entier, que le contenu visé soit légal ou non dans un autre pays ».

De l’autre côté de l’Atlantique, en Europe, ce débat dure depuis plusieurs années, depuis la mise en place du « droit à l’oubli », qui permet aux internautes de demander à Google de déréférencer des liens les concernant, sous certaines conditions. Là aussi, Google a bien dû s’exécuter, mais ne l’a fait que dans les versions européennes de son moteur de recherche. Ce qui lui avait valu, en mars 2016, une amende de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), le gendarme français des données personnelles.

Google avait fait appel devant le Conseil d’Etat de cette décision. Mercredi, alors même que la Cour suprême canadienne rendait sa décision, le Conseil d’Etat français menait des auditions dans ce dossier, à l’issu desquelles il a recommandé de consulter la Cour de justice de l’Union européenne.