Jacob Zuma, chef du Congrès national africain (ANC) et actuel président sud-africain | MUJAHID SAFODIEN / AFP

Le vote crucial pour élire le futur leader du Congrès national africain (ANC) n’aura lieu qu’en décembre, mais l’ouverture, vendredi 30 juin, de la conférence politique du parti au pouvoir est un préambule symbolique pour le gouvernement d’Afrique du Sud.

L’ANC devra en effet voter les grandes lignes de son projet politique, avant de désigner un remplaçant à Jacob Zuma, chef du parti et actuel président sud-africain. Ce dernier est soupçonné de multiples affaires de corruption, et ses liens avec une riche famille indienne sont scrutés par des journalistes d’investigation, l’opposition et les autorités.

  • Une famille indienne au cœur des scandales

Au centre des dernières accusations de corruption, étayées par de nombreux documents, se trouve une richissime famille indienne, les Gupta. Parmi les membres notables de cette famille émergent trois frères, Ajay, Atul et Rajesh (aussi surnommé « Tony »), des hommes d’affaire quadragénaires arrivés en Afrique du Sud en 1993. Ils ont fait fortune aussi bien dans l’informatique, que dans l’industrie minière et les médias. A leur arrivée, ils ont notamment fondé l’entreprise Sahara Computers.

Les Gupta auraient rencontré Jacob Zuma en 2003. Le président, son entourage et son administration sont aujourd’hui accusés d’être corrompus par les hommes d’affaires, qui disposeraient d’une mainmise politique les aidant à développer leur business.

  • Le « Gupta Leaks » des lanceurs d’alerte

La corruption systémique dénoncée au plus haut niveau de l’Etat a trouvé des preuves au cours du mois de juin, après la publication des « Gupta Leaks ». Près de 200 000 courriels et documents fournis par des lanceurs d’alerte à des journalistes d’investigation, qui démontrent ce que des opposants appellent la « capture de l’Etat ».

Parmi les cas de corruption, les journalistes du site Daily Maverick dénoncent par exemple un montage financier permettant à la famille Gupta de toucher 700 000 euros pour chaque locomotive vendue par un constructeur chinois à l’entreprise publique de transports sud-africaine Transnet.

  • Quels sont les liens entre Zuma et les Gupta ?

Au moment de l’élection de Jacob Zuma à la tête de l’ANC, en 2008, sa fille, Duduzile Zuma, a été nommée directrice de l’entreprise Sahara Computers. Elle a depuis quitté ce poste. D’autres membres de la famille Zuma – dont son fils Duduzane et l’une de ses femmes, Bongi Ngema – ont eu des liens avec les frères Gupta, et ont dirigé ou obtenu des postes dans des entreprises de l’empire familial.

Le fils, Duduzane Zuma, est aujourd’hui soupçonné d’être une pierre angulaire d’un vaste réseau de corruption, en étant largement influencé par les frères Gupta. Le site Daily Maverick assure par exemple que Duduzane a pu acheter, en décembre 2015, un appartement à Dubaï (Emirats arabes unis), avec l’aide de la famille indienne, parmi d’autres cadeaux.

  • Les Gupta accusés d’avoir tenté « d’acheter » un ministre

Dans un long rapport d’enquête du défenseur public, le député Mcebisi Jonas explique avoir refusé une offre d’environ 44 millions de dollars (38,56 millions d’euros), formulée par Ajay Gupta et en présence du fils de Jacob Zuma. M. Gupta proposait, selon ses dires, à cet adjoint du ministère des finances d’obtenir une promotion, en devenant ministre. En échange, poursuit le député, on lui demanderait de renvoyer plusieurs cadres de son ministère.

Si M. Jonas a refusé l’offre, le ministre des finances en poste, M. Nene, a, lui, été renvoyé deux mois plus tard, en décembre 2015. Il a été remplacé peu de temps après par un inconnu, provoquant un choc, et obligeant finalement le président Zuma à renommer un ancien ministre, Pravin Gordhan, à la tête des finances. Fin mars, à l’issue d’un remaniement, Jacob Zuma remplace finalement M. Gordhan, qui avait notamment dénoncé l’emprise de la famille Gupta sur le gouvernement.

Toutes ces affaires scandalisent jusqu’au sein de l’ANC, le parti présidentiel. « La capture de l’Etat est odieuse », a accusé, le 14 juin, le vice-président et candidat à la succession de M. Zuma, Cyril Ramaphosa, qui avait dénoncé un « pillage économique en règle » de l’Afrique du Sud par Jacob Zuma et la famille Gupta. Au début du mois, le parti a appelé à l’ouverture d’une enquête, alors que le chef de l’Etat est également contesté dans la rue, accusé de ne pas faire assez contre la pauvreté et d’affaiblir l’économie du pays.

  • Une piscine aux frais de l’Etat

L’affaire Gupta n’est pas la seule à avoir récemment menacé M. Zuma. En 2014, un rapport sulfureux de la médiatrice Thuli Madonsela, a révélé que le président, élu en 2009, avait utilisé les fonds de l’Etat pour rénover sa luxueuse résidence de Nkandla, un scandale baptisé le « Nkandlagate ». M. Zuma affirmait n’avoir bénéficié de fonds publics que pour améliorer la sécurité de son domaine, en raison de son statut de chef d’Etat, et qu’il avait financé le reste sur ses fonds propres. Mais le rapport du défenseur public assurait que l’argent public avait également servi à la construction d’un amphithéâtre, ou encore d’une piscine.

En mars 2016, un tribunal sud-africain a réaffirmé que le président Zuma devrait rembourser une partie des sommes engagées. La décision a également établi que le chef de l’Etat avait enfreint la Constitution en refusant de répondre favorablement à une première demande de remboursement.