Election de François de Rugy, bataille entre la majorité et l’opposition, désignation des présidents de commission… après cette première semaine mouvementée à l’Assemblée nationale, Manon Rescan, journaliste au Monde, a répondu à vos questions.

Erca : François de Rugy est-il bien membre de LRM [La République en marche] comme c’est souvent dit ? Je n’ai rien trouvé de formel à ce sujet, il semble qu’il ait simplement été soutenu par le parti du président. Son cas est intéressant vu le sort réservé à Manuel Valls (intégré de justesse au groupe) ou Sylvia Pinel (non inscrite)…

Bonjour. Non, il n’y a pas d’ambiguïté sur la candidature de François de Rugy, il a bien été investi par La République en marche pour les législatives, ce qui n’était pas le cas de Manuel Valls et Sylvia Pinel. Ces derniers n’avaient pas d’adversaire du camp Macron, mais ils n’avaient pas l’investiture du mouvement.

Théozone : Bonjour, n’est-ce pas une première que le chef de l’Etat convoque le Congrès, d’autant plus à Versailles ? Il me semblait que, même pour faire un lit de justice, les rois de l’Ancien Régime se déplaçaient au Parlement…

Non, sur la forme ce n’est pas une première. Depuis 2008, il est inscrit dans la Constitution de la Ve République que le chef de l’Etat peut prendre la parole devant le Parlement réuni en congrès. La dernière fois que cela a été organisé, c’était sous François Hollande, en 2015, trois jours après les attentats du 13 novembre à Paris. Ce qui est inédit, c’est qu’Emmanuel Macron s’adresse au congrès au début de son mandat, qui plus est avant la déclaration de politique générale de son premier ministre qui aura lieu mardi 4 juillet.

Nabucodonosor : Bonjour, la présence au congrès est-elle une obligation légale pour les députés et sénateurs ?

A ma connaissance, non. En tout cas les règles du Congrès ne le mentionnent pas.

Martin : Vu la jeunesse de la majorité en tant que parti politique et le fait qu’elle émane principalement, si pas uniquement, de la volonté et de la trajectoire du président de la République, que faut-il attendre de l’Assemblée nationale ? Sera-t-elle autre chose qu’une « chambre d’enregistrement » des volontés du gouvernement ? Ou peut-on attendre des mouvements d’idées et des surprises au sein de LRM ?

Manon Rescan : Tout l’enjeu pour les députés LRM sera de montrer qu’ils ne sont pas les « godillots » qu’on les soupçonne d’être. Quand on leur pose la question, leur réponse est la suivante : d’une part ils ont été élus sur le programme d’Emmanuel Macron et donc ils défendront celui-ci. D’autre part, ils affirment qu’ils ont une liberté de parole dans le groupe, qui sera le lieu des tractations et des ajustements sur les textes, mais qu’une fois qu’un compromis aura été trouvé entre eux, ils s’engagent à voter pour cette version du texte.

Aries no Mu : Bonjour, merci pour ce live. J’ai plusieurs questions : pourquoi le groupe « les constructifs » s’est-il classé dans l’opposition ? Pourquoi LRM a mis une personne des constructifs au poste de questeur sachant très bien les proportions que ça prendrait (alors qu’au final, ça n’a pas vraiment d’importance) ? Pourquoi Sylvia Pinel n’est-elle inscrite dans aucun groupe ? Comment se fait-il qu’Eric Woerth puisse être président de la commission des finances sans que cela choque personne compte tenu de son passé pas si lointain ?

Bonjour et merci pour ces questions. Chaque groupe a déposé, mardi soir, avec sa constitution, une déclaration politique. Dans celle-ci, chaque groupe, à condition de ne pas être celui qui a le plus grand nombre de députés, est libre de se déclarer dans l’opposition ou non. C’est le choix qu’ont fait les « constructifs », c’est le choix qu’auraient pu également faire les députés du MoDem par exemple (ce qu’ils n’ont pas fait).

A partir de là, ce n’est donc pas La République en marche qui a placé un candidat comme questeur, mais bien le groupe d’opposition des « constructifs » qui a fait élire son candidat à ce poste et qui a bénéficié, pour cela, des voix de la majorité. Cette dernière a transcendé un autre usage qui voulait que le groupe majoritaire s’abstienne de se prononcer sur le poste réservé à l’opposition. Les députés LRM ont-ils eu consigne de passer outre cet usage en votant pour Thierry Solère, considéré comme « Macron-compatible » ? Ou ont-ils simplement fait un choix « anti-Eric Ciotti », qui était candidat des Républicains ? Difficile à savoir aujourd’hui.

Pour ce qui est de Sylvia Pinel, la présidente du Parti radical de gauche n’a visiblement pas trouvé de groupe pour l’accueillir. Elle figurait parmi les députés qui pouvaient constituer l’équivalent des « constructifs » à gauche, avec notamment Manuel Valls, Olivier Falorni ou encore François Pupponi, groupe qui n’a finalement pas vu le jour.

Pour ce qui est d’Eric Woerth, vous faites vraisemblablement référence aux affaires dans lesquelles il a été mis en cause. Rappelons d’abord qu’il n’est aujourd’hui plus inquiété par la justice et ensuite qu’il a bénéficié des voix de son camp pour accéder à ce poste.

Jeff.M. : Bonjour. Il faut être 15 pour constituer un groupe parlementaire ai-je pu lire de-ci de-là, mais quel est l’avantage d’avoir un groupe parlementaire et quelles sont les obligations ?

Manon Rescan : A ce sujet, je vous invite à lire cet article de mes collègues des Décodeurs.

Jonathão : Bonjour, est-ce que « les constructifs » peuvent éventuellement changer de position et passer de l’opposition à la majorité à la suite des tensions de ces derniers jours à l’Assemblée ? Merci !

De fait, les « constructifs » sont inscrits dans l’opposition. Ils sont donc libres de soutenir, ou non, la majorité selon les textes. Ils ont d’ailleurs affiché leur volonté d’être libres les uns des autres : certains d’entre eux voteront ainsi la confiance au gouvernement, d’autres non. Certains boycotteront le Congrès, d’autres non.

Joséfa : Bonjour et merci pour vos analyses ! La décision des Insoumis de ne pas se rendre au Congrès n’est-elle pas un avant-goût de la multiplication des coups d’éclat à laquelle on peut s’attendre de la part des fortes personnalités qui ont été élues à l’Assemblée… Qu’en pensez-vous ? Merci !

Il est certain que faute de poids politique à l’intérieur de l’hémicycle, les députés de l’opposition, à l’instar de ceux de La France insoumise, pourront profiter de l’écho que pourront trouver leurs propos dans le reste de l’enceinte du Palais-Bourbon, notamment dans la salle des Quatre-Colonnes où les députés rencontrent la presse. On peut imaginer qu’il en sera de même pour les députés du Front national, quoiqu’ils se sont faits plus discrets ces derniers jours.

Cécile : Bonjour, la présence de poids lourds politiques habitués à ferrailler, tels que Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ou Manuel Valls, peut-elle changer le visage des débats à l’Assemblée ?

Il faut d’abord avoir à l’esprit que, des trois personnalités que vous citez, un seul, en tant que président de groupe, pourra prendre la parole facilement dans l’hémicycle : il s’agit de Jean-Luc Mélenchon. Marine Le Pen est, elle, « non inscrite », ce qui lui donne une bien moins grande fenêtre pour prendre le micro. Manuel Valls, en tant qu’apparenté au groupe La République en marche, sera, lui, dépendant de la répartition des rôles au sein de ce collectif et de la place que ce dernier voudra bien lui accorder.

Mais il est évident que leurs prises de parole seront guettées et observées avec beaucoup d’attention. Déjà lors des premières séances, les prises de parole de M. Mélenchon ont été suivies, depuis les rangs mêmes de l’hémicycle, où le début de chacune de ses interventions a provoqué un silence particulièrement attentif.

Ensuite, les habitués de la procédure parlementaire ont en quelque sorte lancé un avertissement à la majorité, mercredi, lors des très longues tractations qui ont suivi l’imbroglio consécutif à l’élection des questeurs. Et des personnalités comme le communiste André Chassaigne, président du groupe Gauche démocrate et républicaine, ont montré qu’ils pouvaient, malgré la petite taille de leur groupe, encore faire entendre leurs voix dans l’hémicycle.

Donc cela dépend de ce que vous entendez par « changer le visage des débats ». Il va être intéressant d’observer au cours des prochaines semaines ce rapport de forces entre les « anciens » habitués au théâtre de l’Assemblée et les « nouveaux » qui ont le poids de la majorité.

Nope 12 : Bonjour et merci ! Quid de la commission des affaires européennes qui a un statut important dans le suivi de la législation de l’UE et jouera sans doute un rôle non négligeable dans la relance souhaitée par M. Macron ?

Elle n’a pas encore été constituée, selon le site de l’Assemblée nationale, cette commission non permanente doit se réunir au cours du mois de juillet.