Des soldats américains lors d’un exercice le 17 juin en Lituanie. | INTS KALNINS / REUTERS

C’est un dossier qui divise l’Amérique. Ce week-end, l’administration Trump a choisi de retarder l’ouverture de l’armée aux recrues transgenres, une mesure qui avait pourtant été décidée par l’administration Obama.

Vendredi soir, à la veille d’un long week-end de fête nationale aux Etats-Unis, le secrétaire à la défense Jim Mattis a annoncé qu’il retardait de 6 mois, au 1er janvier 2018, l’ouverture du recrutement militaire américain aux personnes transgenres. « Nous allons utiliser ce délai pour mieux évaluer l’impact » d’un recrutement de ces personnes sur l’efficacité de la machine militaire américaine, a-t-il expliqué dans un mémo.

La décision de M. Mattis s’inscrit dans un contexte de pression d’une partie du camp républicain pour remettre en cause les mesures prises sous l’administration Obama en faveur des personnes transgenres, un sujet symbolique qui reste très polémique aux Etats-Unis, malgré le très petit nombre de personnes concernées.

« Guerre des toilettes »

Sous la pression notamment de la partie chrétienne conservatrice de son électorat, le gouvernement de Donald Trump a, en février, mis fin à un dispositif de protection des droits des transgenres dans le système public de l’éducation. Les mesures supprimées, instaurées par la précédente administration, permettaient notamment aux écoliers et étudiants de se rendre dans les toilettes et les vestiaires du genre avec lequel ils s’identifient, et non pas celui qui est sur leur acte de naissance.

Le débat fait rage aussi au niveau des Etats. Le Texas est ainsi sur le point d’adopter une législation obligeant les élèves transgenres à utiliser les toilettes correspondant à leur sexe de naissance.

Au Pentagone, le report du recrutement des transgenres était demandé par certains chefs militaires, qui ont « demandé du temps » avant de le mettre en œuvre, selon la porte-parole Dana White. Selon la presse américaine, l’US Air Force (armée de l’air) et l’US Army (armée de terre) ont demandé un délai de deux ans.

Mais le département de la défense est resté très prudent sur ce dossier politiquement ultra-sensible. « Il y a des transgenres qui servent dans l’armée, et il n’y a aucune réflexion en cours qui pourrait affecter leur capacité à servir », soulignait récemment le chef d’état major inter-armées, le général Joe Dunford.

Réactions mesurées

De fait, le report décidé par M. Mattis laisse intactes d’autres mesures prises en faveur des personnes transgenres il y a un an par son prédécesseur Ashton Carter. Ainsi, les militaires qui dévoilent leur orientation alors qu’ils sont déjà sous l’uniforme ne risquent plus d’être expulsés de l’armée.

Et le système de santé militaire reste tenu de fournir les soins médicaux nécessaires pour un changement de sexe, conformément à ce qu’avait aussi décidé la précédente administration.

Les réactions des principales associations de défense des personnes LGBT après la décision de vendredi sont d’ailleurs restées mesurées : « Nous sommes déçus par ce retard inutile », a écrit dans un communiqué Stephen Peters, de Human Rights Campaign, une association de défense des personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres.

La décision « n’a pas de sens, car l’intégration des militaires transgenres est d’ores et déjà un succès, comme l’avaient prédit les études réalisées », a estimé de son côté Aaron Belkin, le directeur du Palm Center, un centre de recherche californien qui a travaillé avec le Pentagone sur ces questions. Selon le ministère de la défense, il y aurait déjà de 2 500 à 7 000 personnes transgenres sur les 1,3 million de militaires d’active américains.

« Chaque jour qui passe » sans ouverture de l’armée aux transgenres « restreint la capacité de celle-ci à recruter les meilleurs et les plus brillants, quelle que soit leur orientation sexuelle », a souligné Stephen Peters.