LES CHOIX DE LA MATINALE

Deux documentaires dans notre sélection : le premier sur les enfants-soldats en Syrie, le second sur l’odyssée des fauves à travers le globe. Sans oublier les coups de griffe et de plume de Christine Angot sur le « divan » de Marc-Olivier Fogiel.

Les enfants perdus de l’organisation Etat islamique

Si depuis le début de la guerre civile en Syrie, en 2011, tous les groupes armés ont eu recours à des enfants-soldats, l’organisation Etat islamique (EI) a fait de l’endoctrinement des mineurs une politique planifiée et mise en œuvre à grande échelle dans les territoires conquis pour se perpétuer et perpétuer son idéologie. Dès 4 ans, et jusqu’à 16 ans, des enfants ont été entraînés dans des camps, soumis à une propagande intense, et confrontés à la mort et à la violence avant de partir au combat.

En Turquie et en Grèce, Thomas Dandois et François-Xavier Trégan (qui avaient réalisé Daech, paroles de déserteurs en 2016) sont partis à la rencontre de certains de ces enfants perdus, parfois livrés à eux-mêmes après avoir déserté ou s’être enfuis.

Des témoignages rares : les petits Moussa et Youssef ; un ancien membre de 16 ans des services de renseignement intérieur de l’EI, aujourd’hui seul face à ses remords après avoir « dénoncé » et « égorgé » ; un « chanteur » de 15 ans, choisi par un émir du groupe pour la beauté de sa voix et qui semble regretter de n’avoir jamais combattu…

En écho, le désarroi des adultes. Celui d’un ex-rebelle de l’Armée syrienne libre, qui se dit prêt à tuer l’enfant que l’EI filme en train d’exécuter un prisonnier. Ou celui d’un enseignant, qui résume la politique éducative du groupe : « Leur objectif n’était pas de les éduquer, mais de former une nouvelle génération de combattants en Syrie et à l’étranger. »

Les deux auteurs d’Ashbal, les lionceaux du califat concluent leur film sur un constat glaçant : la plupart des enfants qui parviennent à échapper à l’EI se retrouvent livrés à eux-mêmes. Certains vivent actuellement en plein cœur de l’Europe, ignorés. Madjid Zerrouky

« Ashbal, les lionceaux du califat », de Thomas Dandois et François-Xavier Trégan (France, 2017, 55 minutes). A revoir sur Arte+7 jusqu’au 30 juillet.

Christine Angot au « je » du « Divan »

Avec ses mots, Christine Angot revient sur l'inceste dont elle a été victime.

Christine Angot ne craint pas de prendre des risques. On le voit dans certains documents auxquels elle réagit dans l’émission « Le Divan » (France 3), qui, entre autres, la montre quitter le plateau de « Tout le monde en parle » après avoir entendu une phrase stupide et agressive. On craignait donc de la voir sur le divan de Marc-Olivier Fogiel.

On se demandait même pourquoi l’auteure, qui doit tant à la psychanalyse, avait accepté ce qui est un jeu. On avait tort. Marc-Olivier Fogiel pose des questions difficiles, mais avec délicatesse. Et Christine Angot répond avec fermeté, calme et, souvent, une certaine douceur.

Emouvante, elle parle de sa mère, de la maison de son enfance, sorte de jardin d’Eden qu’elle a perdu en allant vivre dans la ZUP de Châteauroux. Comme toujours aussi, elle défend avec force la littérature, sa liberté d’écrivain : « Ce qui m’intéresse dans la littérature, c’est que c’est un endroit qui échappe au contrôle de ceux qui contrôlent la vie réelle. Ça les rend fous. Mais je ne force personne à lire. »

Sur l’inceste dont elle a été victime, elle a beaucoup écrit. Mais en parler est une autre affaire. Et là, sur ce geste pour lequel « il n’y a pas de réparation », elle est impressionnante de maîtrise et de lucidité. Marc-Olivier Fogiel demande si elle a été « abîmée ». « Certainement pas. Ça m’a fait souffrir. Mais abîmée… non », dit-elle. Josyane Savigneau

« Le Divan », de Marc-Olivier Fogiel, avec Christine Angot. Sur Pluzz.

Du tigre de Sibérie au chat domestique

Savez-vous que le tigre de Sibérie peut vivre jusqu’à – 40 °C ? Que le guépard court à près de 110 km/h et que, chez les lions, plus la crinière est foncée, plus le mâle est dominant ? Vous ne l’ignorerez plus après avoir regardé L’Odyssée des félins, documentaire qui, grâce aux éclairages du zoologue Patrick Aryee, retrace l’arbre généalogique de ces fauves.

Outre la description de leurs caractéristiques, il explique comment certaines espèces ont conquis des territoires il y a près de 8 millions d’années ou comment d’autres ont parcouru des pays entiers, du Canada jusqu’en Amérique du Sud, à l’instar du puma. Des déplacements qui leur ont permis de devenir « l’un des groupes de prédateurs les plus accomplis », étant parvenus à s’adapter à tous les types de climat.

De la panthère nébuleuse au chat domestique, la grande diversité des félins est présentée avec force pédagogie, quitte à entraîner quelques répétitions. Rythmant le propos, les rencontres avec des spécialistes permettent de voir de très près ces animaux souvent dangereux et, surtout, de les découvrir dans leur environnement naturel.

Enfin, cette passionnante odyssée ne manque pas d’aborder en quelques mots de conclusion les questions essentielles de préservation des espèces félines en voie d’extinction, comme la si mystérieuse panthère nébuleuse. Coline Vazquez

« L’Odyssée des félins », de Martin Williams (Royaume-Uni, 2015, 85 minutes). Sur Pluzz.