Ceux qui exercent des activités relevant de différents statuts risquent de régler des cotisations d’assurance vieillesse « dans le vent », sans que cela ne donne lieu à des droits à la retraite. | Pure_nutter (Flickr, Licence Creative Commons)

Une simplification importante du calcul des pensions entre en vigueur ce 1er juillet. Dorénavant, ceux qui ont cotisé à plusieurs régimes de base se verront dans certains cas traités comme s’ils n’avaient relevé que d’un seul lors de la fixation de leur pension de base. Seront donc additionnés les trimestres et revenus issus des différentes activités, pour ne procéder qu’à un calcul, et un seul versement chaque mois, alors que les pensions étaient jusqu’ici calculées et versées séparément.

Sont concernés ceux qui sont nés en 1953 ou après, et qui ont été affiliés, simultanément ou successivement, à au moins deux des régimes suivants : le régime général, pour les salariés du privé, le régime social des indépendants (RSI), pour les commerçants et artisans, et la Mutualité sociale agricole (MSA), pour les salariés agricoles. Cette mesure figure dans la réforme des retraites de 2014.

Ce que ça change aux montants des pensions ? Au niveau global, la Caisse nationale d’assurance vieillesse a évalué (Cnav) à - 0,9 % l’impact pour les retraites prises entre 2020 et 2027. Au-delà de cette moyenne, il y aura en réalité des gagnants et des perdants. Selon la Cnav, environ deux tiers des retraites liquidées d’ici à 2030 seraient moins élevées qu’elles ne l’auraient été sans réforme.

Des perdants

Sans entrer dans les détails du calcul, complexe, notez que les perdants seront plutôt du côté de ceux qui ont plusieurs statuts de manière simultanée, par exemple, ceux qui sont en même temps salarié et artisan, et non successivement dans leur carrière. En effet, ceux-ci pouvaient jusqu’ici valider plus de quatre trimestres par an, via leurs différents régimes, ce qui n’est plus le cas. (Pour comprendre les mécanismes et les impacts, retrouvez ici des simulations des experts retraite du site Sapiendo.)

Si les pertes que subiront certains en termes de montants de pensions ont été beaucoup détaillées, un autre couac est passé plus inaperçu : la réforme fait que certains « polyaffiliés » ont versé et vont verser des cotisations pour rien, sans obtenir, en échange, de droits à la retraite. Vous êtes potentiellement concernés si vous avez (ou avez eu) plusieurs statuts en parallèle, et qu’en additionnant les revenus de ces différentes activités, vous touchez, en brut, plus que le plafond mensuel de la Sécurité sociale (3 269 euros pour 2017).

En effet, les cotisations de retraite de base portent normalement uniquement sur la partie du revenu comprise entre 0 euro et ce plafond. Tout euro gagné au-delà n’est pas soumis à ces cotisations. En échange, et c’est logique, le revenu entrant dans le calcul de votre pension de base est limité, lui aussi, à ce montant.

Le souci, avec la réforme, c’est qu’il n’y a plus qu’un seul plafond pour tous les revenus, quelle que soit leur source. Mais que les cotisations ne sont, elles, pas plafonnées entre les régimes, comme elles le sont au sein d’un même régime. Résultat : les polyaffiliés peuvent continuer à cotiser au-delà du plafond mais ne peuvent plus voir leur pension de base calculée à partir d’un montant supérieur à ce plafond.

L’équité n’est pas assurée

« On harmonise la sortie, le calcul des pensions, c’est louable, mais on n’harmonise pas les cotisations », déplore Valérie Batigne, fondatrice de Sapiendo. « C’est dommage, d’autant qu’il y a très peu de communication sur ce sujet. »

Un exemple : si vous gagnez l’équivalent d’une fois le plafond de la Sécu en tant que salarié et d’une demi-fois tant qu’artisan, vous paierez des cotisations de retraite de base sur la totalité de vos revenus. Mais seul un plafond sera retenu pour calculer votre pension, qui, rappelons-le, dépend très directement de votre revenu retenu. En revanche, un monoactif avec le même revenu paiera, pour le même revenu total, un tiers de cotisations en moins, pour les mêmes droits à la retraite.

Difficile de dire, donc, que l’équité entre poly- et mono-actifs est assurée. Au ministère des Solidarités et de la Santé, on nous explique que ce dossier n’a pas encore été ouvert par la nouvelle équipe.

Il y a une solution

Rappelons toutefois qu’Emmanuel Macron a inscrit dans son programme une réforme radicale des retraites, visant à mettre en place un système dans lequel un euro cotisé rapporterait le même montant de pension, peu importe le régime.

En attendant, il y aurait une solution, dit Valérie Batigne : « relever le plafond de revenus retenus pour le calcul de la pension de base unique en cas de multiplicité de régimes, afin que celui qui a cotisé au-delà du plafond n’ait pas cotisé à fonds perdus ».

« C’est faisable, précise-t-elle, jusqu’en 2004 c’était le cas pour les salariés avec plusieurs employeurs. »

Notez que les régimes des fonctionnaires et libéraux ne sont pas concernés par cette réforme. Si vous avez été salarié et fonctionnaire, ou libéral et artisan, vos pensions de base seront toujours calculées séparément.