Moon Jae-in, le président sud-coréen, a été reçu par Donald Trump à la Maison Blanche, le 30 juin. | BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

Contrairement à son homologue chinois, Xi Jinping, et au premier ministre japonais, Shinzo Abe, le président sud-coréen n’a pas eu droit aux honneurs de Mar-a-Lago, la résidence privée de Donald Trump en Floride. Le président américain a reçu Moon Jae-in, vendredi 30 juin, à la Maison Blanche, à Washington, où, malgré leurs approches différentes de la question nord-coréenne, les deux hommes ont affiché leur solidarité pour contenir la « menace » que constituent Pyongyang et son programme d’armement nucléaire.

Quelques jours seulement après la mort d’Otto Warmbier, un étudiant américain détenu plus d’un an par la Corée du Nord, libéré dans un état critique et décédé peu après son retour aux Etats-Unis, M. Trump a dénoncé un régime « brutal » et « sans respect pour la vie humaine ». « La patience stratégique avec le régime nord-coréen a échoué. Honnêtement, la patience est terminée », a insisté le président américain. Sans expliquer davantage, il a souligné que les Etats-Unis disposaient de « nombreuses options » pour répondre aux programmes nucléaire et balistique de ce pays.

En avril, Donald Trump avait affirmé que « si la Chine ne résout pas le problème nord-coréen, nous le ferons », suscitant des interrogations sur ses intentions. Mais, durant la campagne présidentielle de 2016, il avait assuré qu’il était prêt à recevoir le leader nord-coréen aux Etats-Unis, « promettant un bon deal » avec Kim Jong-un. Le nouveau président sud-coréen, lui, est partisan d’une ouverture envers son voisin.

M. Trump a donné le ton de cette première rencontre tandis que M. Moon est apparu en retrait par rapport à sa volonté de rompre avec la politique de confrontation suivie au cours des mandats de ses prédécesseurs conservateurs. M. Moon a semble-t-il estimé que le moment n’était guère opportun pour mettre en avant cette nouvelle approche.

Sujets épineux

Le regain d’hostilité à l’égard du régime de Pyongyang à la suite de la mort d’Otto Warmbier, le différend entre Séoul et Washington à propos du déploiement, controversé en Corée du Sud, du bouclier antimissile THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) – gelé après l’arrivée au pouvoir de M. Moon sous prétexte d’évaluer son impact sur l’environnement – ne se prêtaient pas à évoquer d’autres sujets épineux.

La question du bouclier antimissile n’a donc pas été abordée. Elle en aurait appelé une autre : la Chine, qui considère que ce bouclier la vise directement, a pris des mesures de rétorsion économique à l’encontre de la Corée du Sud dont elle est le premier partenaire commercial. Séoul ne veut pas s’aliéner Pékin alors que Washington vient d’annoncer, pour la première fois, des sanctions contre une petite banque chinoise à Dandong (à la frontière avec la Corée du Nord) pour avoir facilité des transactions au profit d’entreprises impliquées dans la production de missiles balistiques. La vente d’armes américaines à Taïwan pour 1,4 milliard de dollars a aussi courroucé Pékin.

Le premier objectif de M. Moon était d’établir des relations cordiales avec l’impulsif Donald Trump. Celui qui fut l’un des architectes de la politique du « rayon de soleil », visant un rapprochement avec Pyongyang, des présidents de centre gauche Kim Dae-jung (1998-2003) et Roh Moo-hyun (2003-2008), connaît les difficultés pour Séoul de mener une politique démarquée de celle de Washington. Face à M. Trump, il a cherché à faire preuve de souplesse, soulignant « la détermination et le pragmatisme » du nouveau locataire de la Maison Blanche et insistant sur la solidité des liens entre les deux pays.

« Engager un dialogue »

A la veille de son départ pour les Etats-Unis, le président Moon avait déclaré qu’il « partageait entièrement la ligne dure » adoptée par Washington à l’égard de Pyongyang, sans pour autant renoncer à une approche parallèle privilégiant le dialogue : « Il ne s’agit pas de récompenser la Corée du Nord pour son comportement répréhensible, mais Séoul et Washington devraient examiner ensemble ce qu’ils pourraient lui offrir en échange d’un gel de son programme nucléaire », avait-il précisé dans l’avion pour Washington. « Nous devons engager un dialogue avec Pyongyang. » « Sans condition », avait-il ajouté.

Si certains des sujets qui fâchent ont été exclus des discussions, les frictions commerciales entre les deux pays ont, quant à elles, été abordées. « Nous sommes en train de renégocier un accord commercial qui sera, je l’espère, équitable pour les deux parties », a déclaré le président américain, précisant sur Twitter qu’il était optimiste après les « assurances » de M. Moon en ce sens. M. Trump faisait allusion à l’accord entre les deux pays, signé durant la présidence Bush et entré en vigueur sous celle d’Obama en 2012. Il l’avait récemment qualifié d’« horrible », déplorant un déséquilibre dans les échanges.

M. Trump demande notamment un meilleur accès au marché sud-coréen pour les voitures et l’acier américain. M. Moon s’est borné à répondre que « la croissance économique et les créations d’emplois seront assurées pour le bénéfice mutuel des deux pays ». Avant la rencontre, des entreprises sud-coréennes avaient annoncé des investissements de 12,8 milliards de dollars aux Etats-Unis sur les cinq prochaines années.