Tina Desai et Max Riemelt dans la saison 2 de Sense 8, sur Netflix. | MURRAY CLOSE / AP

Les spectateurs ont-ils leur mot à dire dans l’issue des séries qu’ils adorent ? A une époque où elles sont omniprésentes et extrêmement populaires, c’est de plus en plus souvent le cas. Le dernier exemple est celui de Sense 8, la série des sœurs Lana et Lilly Wachowski (la trilogie Matrix, V pour Vendetta, Cloud Atlas), produite et diffusée depuis deux saisons sur Netflix.

A l’annonce de son annulation, ses fans ont massivement protesté sur les réseaux, créant des pétitions signées par plus de 500 000 personnes qui exigeaient une suite. Netflix a entendu leurs prières. Un double épisode, en guise de conclusion, sera diffusé en 2018.

Lana Wachowski a annoncé cette nouvelle dans une lettre publiée jeudi 29 juin sur Twitter dans laquelle elle remercie ceux et celles qui se sont mobilisés et raconte le processus qui a abouti à la validation de ces deux ultimes épisodes.

« Tout comme les personnages de la série découvrent qu’ils ne sont pas seuls, j’ai moi aussi découvert que je ne suis pas un "je". Je suis aussi un "nous". Les lettres passionnées, les pétitions, la voix collective qui est apparue comme le poing du Soleil pour se battre pour ce show a dépassé tout ce que nous pouvions attendre (…) Votre amour a improbablement, imprévisiblement ressuscité “Sense 8”. »

Elle dédouane la production, en assurant que Netflix « aime autant la série que nous » malgré le défi « des audiences », et donne rendez-vous en 2018, et peut-être plus tard car, comme elle dit, « on ne sait jamais ».

Sense 8 est loin d’être le premier exemple de série dont la base de spectateurs hardcore est suffisamment investie pour en infléchir le cours… outre le fait que le public influence de fait le destin de la plupart de celles qui sont diffusées : s’il les regarde, elles continuent, si les audiences sont faibles, elles s’arrêtent.

Cela étant dit, certaines séries sont davantage influencées, dans le fond comme dans la forme, par la mobilisation de ceux qui les regardent. D’autres exemples de l’histoire de la télévision viennent confirmer que l’ingérence du public peut avoir des conséquences sur la vie d’une série. C’est le cas pour Chuck, une série « geek », sauvée à deux reprises par des fans à grand renfort de pétitions en ligne, mais aussi pour Fringe, créée par J.J. Abrams (Lost), sauvée de la disparition à plusieurs reprises dans les mêmes conditions.

Tour d’horizon, non exhaustif, dans l’histoire des récentes fictions télévisées américaines :

  • Community, repêchée par Yahoo!

Nous vous en parlions déjà à l’époque. Community, qui met en scène une équipe de bras cassés décidés à retourner à l’université, était censée s’arrêter en 2014, faute de pouvoir toucher un large public sur la chaîne NBC au-delà de sa solide base de fans. Ces derniers inondent Twitter de messages qui se terminent avec le hashtag #savecommunity. Leur persévérance et l’implication de l’équipe de la série finissent par avoir le dessus. La plate-forme de streaming Yahoo! Stream diffuse une sixième saison au printemps 2015 en achetant 13 épisodes de 20 minutes au studio Sony Pictures Television, qui produit la série. En 2011, Community avait déjà failli disparaître. Les fans étaient alors allés manifester devant le siège de NBC à New York.

  • How I met your mother, un « happy end » réécrit sous la pression

C’est peu de dire que les fans de How I met your mother n’ont pas aimé l’épilogue diffusé le 31 mars 2014, après 9 saisons et 208 épisodes. En cause : un épisode final aux accents tragiques, après une sitcom réputée pour ses personnages sémillants et ses excellents running gags. On y apprenait en effet que la fameuse « mother », la mère des enfants de Ted qui a donné son nom à la série était en fait… morte. Tout ça pour ça. Une fin alternative a donc été tournée pour calmer les foules, dans laquelle les choses finissent bien pour tout le monde.

  • Veronica Mars, un crowdfunding pour assurer la suite

La série Veronica Mars, lancée en 2003 sur UPN, a toujours connu des audiences mitigées, mais a été reconduite grâce à son bon accueil critique pour une deuxième saison en 2004. Lorsque la chaîne UPN fusionne avec une autre pour devenir The CW, les fans se mobilisent pour sauver Veronica Mars qui risque de disparaître des grilles au cours de l’opération. Ils envoient des barres de chocolat « Mars » au siège de la chaîne pour montrer qu’ils sont sérieux. Veronica Mars aura bien une saison 3, en 2005, mais les audiences dégringolent et elle n’est pas reconduite.

Malgré les trois saisons, beaucoup resteront sur leur faim. Quelques semaines après l’arrêt de la diffusion, le scénariste Rob Thomas laisse entendre qu’il y aura une suite. Celle-ci se matérialisera en 2014 dans un film, après une campagne de dons lancée sur Kickstarter par Rob Thomas et l’actrice qui joue Veronica, Kristen Bell. Ils cherchent 2 millions de dollars. En moins de vingt-quatre heures, ils en récoltent plus de 2,5 millions.

  • Roswell, l’invasion des bouteilles de Tabasco

Roswell, qui racontait la vie de trois extraterrestres, était l’une de ces séries romantico-fantastiques qui ont marqué la télévision au tournant des années 2000, comme Charmed, Dawson et Buffy contre les vampires.

Au bout d’une saison, la chaîne The WB décide pourtant d’arrêter pour des questions de budget. A une époque où les réseaux sociaux n’étaient pas encore des amplificateurs d’indignation, la colère prend la forme d’un envoi massif de bouteilles de Tabasco à la direction de la chaîne. Le condiment est un des mets terriens préférés des extraterrestres. C’est assez pour sauver Roswell pendant une saison supplémentaire. Une autre chaîne – UPN – tentera de récupérer la série, contre l’avis de ceux qui la regardaient encore. La nouvelle version ne durera que quelques épisodes avant de disparaître définitivement.