Muriel Pénicaud était directrice de l’agence publique lors du déplacement à Las Vegas d’Emmanuel Macron, sur lequel le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour des soupçons de favoritisme. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

Après celles du Journal du dimanche, ce sont de nouvelles révélations embarrassantes pour Muriel Pénicaud, la ministre du travail, dans « l’affaire » Business France, du nom de l’organisme public qu’elle dirigeait auparavant.

De nouveaux éléments publiés par Libération, lundi 3 juillet, fragilisent encore un peu plus la défense de Muriel Pénicaud dans ce dossier lié à l’organisation, sans appel d’offres – comme l’imposait pourtant la règle –, d’une soirée à grands frais autour d’Emmanuel Macron à Las Vegas le 6 janvier 2016.

Business France ce serait en effet affranchi des règles en vigueur en confiant à Havas les prestations relatives à cet événement, sans passer par la procédure d’appel d’offres, pour un coût total de 381 000 euros – un coût ramené in fine à 290 000 euros, hors frais d’hôtels.

Interrogée le 28 juin sur RTL, alors qu’une enquête préliminaire est en cours au parquet de Paris pour « favoritisme, complicité et recel de favoritisme », Muriel Pénicaud avait déclaré avoir diligenté un audit indépendant, en mars 2016, sitôt « alertée » d’« une erreur de procédure ».

Mais alors que Le Journal du Dimanche a révélé dimanche un courriel créant le doute sur ce que savait vraiment l’ex-patronne de Business France des dysfonctionnements de procédure liés à la tenue de cet événement très politique, commandé par le cabinet du ministre de l’économie de l’époque, Emmanuel Macron, Libération renchérit ce lundi en révélant un nouveau document interne.

Une synthèse tronquée

Alors que les principaux arguments de défense de Mme Pénicaud reposent sur le fait qu’elle aurait « immédiatement déclenché un audit interne et externe » et « alerté le conseil d’administration », Libération affirme qu’elle n’a en fait informé son conseil d’administration qu’en décembre 2016. Soit presque un an après la réunion de Las Vegas.

« Mais surtout, elle y présente une synthèse tronquée, qui minore les dysfonctionnements pointés par un audit alarmant du cabinet EY (ex-Ernst & Young), qu’elle avait elle-même commandé en mars 2016 », écrit le quotidien, qui affirme que plutôt que de communiquer la totalité du rapport d’une soixantaine de pages, l’ancienne dirigeante n’a évoqué le dossier qu’en quelques lignes, dans un document général rédigé par ses services.

Dans ce document qui laisse penser que tout s’est correctement déroulé, on peut notamment lire que « Business France a immédiatement lancé une mise en concurrence » et que les « relations contractuelles » s’étaient « nouées de bonne foi ».

La synthèse se contente de pointer un « risque d’irrégularité des prestations contractuelles » au regard « des règles applicables en droit de la commande publique » et propose de régler cette situation par l’adoption d’un protocole transactionnel, déjà signé par Havas. Ce qui, d’après Libération, aurait alors permis de clore l’affaire discrètement.

Nombreux dysfonctionnements ignorés

Or dans le véritable audit d’EY consulté par le quotidien, il n’est jamais question de « bonne foi » mais d’un recueil des nombreux dysfonctionnements, effacés dans la synthèse présentée au comité d’audit qui préparait le conseil d’administration, comme par exemple : « La mise en concurrence n’a pas eu lieu concomitamment entre les trois prestataires contactés. »

Il y est surtout souligné que la situation est susceptible « d’engager la responsabilité pénale [délit de favoritisme] des auteurs ». Des éléments qui ne figurent pas dans la synthèse présentée par Mme Pénicaud. Contacté lundi par Libération, le cabinet de cette dernière a dit ne pas vouloir répondre à toutes les questions relatives à ce dossier.

Le courriel révélé par le « JDD »

Quant au courriel révélé dimanche 2 juillet par le JDD daté du 11 décembre 2015 et signé de la directrice de la communication de Business France, Fabienne Bothy-Chesneau, il est explicite : « Muriel, briefée par nos soins, ne fait rien. Donc elle gérera aussi quand la CDC [Cour des comptes] demandera des comptes (…), ce ne sera pas faute d’avoir dit et redit. »

Certes, le message ne permet pas d’affirmer que Mme Pénicaud était au courant du problème de contournement des règles de passation des marchés publics, qui constitue le fond de l’affaire. Mais il montre que celle-ci avait au moins été alertée, en amont, des difficultés financières soulevées par cette soirée.