Selon Free et Bouygues Telecom, Orange « dispose d’une part de marché de l’ordre de 70 % » dans la fibre. Les deux opérateurs appellent l’Arcep, le régulateur des télécoms, à agir. | FRED TANNEAU / AFP

C’est ce qui s’appelle mettre la pression. Bouygues Telecom et Free (dont le fondateur Xavier Niel est actionnaire à titre individuel du Monde) ont écrit le 30 juin au premier ministre, Edouard Philippe, et à Sébastien Soriano, le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), le régulateur des télécoms, pour les sensibiliser à la position d’Orange dans la fibre, cet Internet qui offre des débits supérieurs à 100 mégabits par seconde.

Selon eux, l’opérateur historique « dispose d’une part de marché de détail de l’ordre de 70 % », indique la missive, d’abord publiée par Les Echos, et dont Le Monde a eu connaissance. Les deux opérateurs appellent le régulateur à agir. Dans le cas contraire, « ce serait plus de vingt ans d’ouverture à la concurrence qui pourraient être remis en cause par la concentration excessive du marché dans les mains d’un seul opérateur », lance le duo, pour qui « la vision initiale » du législateur, qui souhaitait donner dans la fibre les mêmes chances aux quatre industriels, « ne s’est pas concrétisée ».

« Un monopole de fait discutable »

Dans les grandes villes, comme Paris, Lyon ou Marseille, où les quatre opérateurs construisent chacun leurs infrastructures, « Orange s’est réservé dans un premier temps l’usage de ses conduites enterrées pour déployer sa seule fibre optique et prendre une avance considérable ». Dans les villes moyennes de co-investissement (un seul opérateur déploie, ses concurrents achètent ensuite des prises), « l’Etat a concédé [à Orange] un monopole de fait discutable », poursuit la lettre. Et ce, alors même qu’Orange « dispose de recettes générées de façon récurrente par son monopole sur la boucle locale cuivre [le réseau historique] dont l’amortissement est largement achevé ». Dans ces villes, l’ancien monopole public construit 90 % des prises, SFR 10 %. La marque au carré blanc et rouge tente, de son côté, d’obtenir un nouveau partage de cette zone.

Pourquoi cette sortie de Bouygues et de Free ? Dans quelques jours, l’Arcep, qui avait lancé une consultation publique en début d’année sur la fibre, rendra ses conclusions. En avril, les petits opérateurs comme Alternative Telecom, Adista ou Coriolis Telecom lançaient également un SOS, demandant un accès plus facile et moins cher à la fibre d’Orange, afin de mieux répondre au client final.

Face aux levées de boucliers, Orange n’a cessé de répéter que tous avaient les mêmes chances au départ, mais que ses concurrents n’avaient pas choisi d’investir. Quelle sera la réaction du gouvernement ? En général, le politique a pour habitude de renvoyer les opérateurs vers l’Arcep pour tout ce qui relève de la régulation. Et jusque-là, ce sont plutôt les zones rurales, et non les villes, qui ont été l’objet de ses préoccupations.