A l’issue d’une « revue complète » du projet menée pendant plusieurs mois, EDF a annoncé, lundi 3 juillet, une révision à la hausse (+ 1,845 milliard d’euros) du coût des deux réacteurs EPR que le groupe construit à Hinkley Point, dans le sud-ouest de l’Angleterre, confirmant une information du Monde (daté 25-26 juin). Cela en portera le coût à 22,4 milliards, soit une hausse de 8 % par rapport au devis initial, a indiqué le directeur général d’EDF Energy, filiale britannique du groupe français. Vincent de Rivaz n’a pas précisé si EDF supportera l’intégralité de ce premier dérapage ou s’il sera partagé avec son partenaire China General Nuclear Power Corporation (CGN), qui finance un tiers du projet.

Cette révision s’explique, selon lui, par les modifications en cours du design du réacteur EPR (contrôle commande, ventilation…) réclamées par l’autorité de sûreté nucléaire britannique et la révision « du volume et du séquencement des travaux sur site », qui ont débuté en mars. Il l’impute également à « la mise en place progressive des contrats fournisseurs », qui sont revus puisque la décision finale d’investissement n’a été votée qu’en septembre 2016 avec près d’un an de retard sur le calendrier initial.

Un « risque » de dérapage de neuf et quinze mois

EDF a déjà signé d’importants accords avec Bouygues, qui assure le génie civil, et de grands fournisseurs d’équipementiers comme General Electric, qui a racheté les turbines d’Alstom pour centrales nucléaires, et Areva. En raison du sous-dimensionnement de l’usine Creusot Forge d’Areva, les cuves des EPR d’Hinkley Point seront forgées au Japon. Elles ne sont pas concernées par les défauts détectés sur celle de Flamanville (Manche), a indiqué M. de Rivaz.

A ce surcoût s’ajoute un premier report – attendu – de la date de démarrage des réacteurs, même si M. de Rivaz souligne que les équipes doivent « rester mobilisées » pour tenir l’objectif initial d’une mise en service fin 2025. En fait, EDF évoque un « risque » de dérapage de quinze mois pour le premier EPR et de neuf mois pour le second. Cela entraînerait un coût de 861 millions d’euros, qui s’ajouteraient au 1,845 milliard. Ces délais supplémentaires sont inévitables, selon plusieurs experts, dans la mesure où les EPR britanniques sont différents des autres, notamment de celui de Flamanville, et que l’industrie britannique n’a plus construit de réacteurs depuis vingt ans.

EDF reconnaît que le taux de rentabilité attendu du projet baissera de 9,2 % à 8,5 % et même à 8,2 %, ce qui reste très confortable. En revanche, M. de Rivaz affirme que ce dérapage n’aura « aucune conséquence » sur le contrat signé en 2013 entre le gouvernement britannique et la société exploitant la centrale. Il garantit à EDF et CGN une rémunération de 92,5 livres (105 euros) par mégawattheure (MWh) durant trente-cinq ans. Le dirigeant assure que ces quinze mois sont « très en deçà » du retard au-delà duquel Londres est en droit de réduire ce prix garanti.

Projet à très haut risque

« Le chantier avance conformément au planning », affirme encore le patron d’EDF Energy. Et le début de la construction en tant que telle, marqué par le premier béton du bâtiment réacteur, est toujours prévu « mi-2019 ». Avec un bémol de taille : il dépend de la finalisation du design définitif de réacteur, prévue fin 2018, « dont le calendrier est tendu ». Pour l’heure, le chantier débuté en mars consiste surtout en des travaux de terrassement et de raccordements routiers.

En France, la majorité des syndicats d’EDF avaient réclamé un report du projet, estimant qu’il met en péril l’avenir même de l’entreprise. Hinkley Point reste un projet à très haut risque pour EDF. Le groupe est lourdement endetté (37,4 milliards d’euros), fragilisé par une forte baisse des prix de gros de l’électricité ces dernières années et une consommation atone. Il a aussi engagé une coûteuse rénovation et sécurisation de son parc français de 58 réacteurs, alors même qu’il a pris l’engagement d’investir dans les énergies renouvelables et les services d’efficacité énergétique.

C’est le gouvernement de Tony Blair qui avait décidé, en 2006, de relancer le programme nucléaire britannique face à un parc de centrales qui arrivera en fin de vie dans les années 2020. Après dix ans de préparation et de soubresauts, ces deux EPR censés assurer à eux seuls 7 % de l’électricité des Britanniques ne font toujours pas l’unanimité outre-Manche. Fin juin, le National Audit Office, équivalent de la Cour des comptes, a jugé que le prix garanti de 105 euros par MWh – très au-dessus du prix de marché de 35-37 euros – pourrait alourdir la facture des consommateurs de 34 milliards d’euros sur trente-cinq ans.