Plusieurs pays envisagent d’obliger les réseaux sociaux à se montrer plus efficaces dans la modération des contenus. | Jeff Chiu / AP

L’Allemagne menaçait les réseaux sociaux de légiférer depuis plusieurs mois : la première étape a désormais été franchie. Vendredi 30 juin, les parlementaires allemands ont voté une loi imposant à ces plateformes de supprimer certains contenus moins de vingt-quatre heures après leur signalement par les internautes. Le texte concerne les propos racistes ou antisémites, les incitations à la haine, la propagande terroriste, la pédopornographie mais aussi les fausses informations.

Les contrevenants s’exposent à une amende pouvant aller jusqu’à 50 millions d’euros. La loi prévoit aussi la possibilité de condamner la personne nommée responsable de ce sujet dans l’entreprise, jusqu’à 5 millions d’euros. Qui plus est, ces plateformes devront fournir, tous les six mois, un rapport sur le nombre de signalements reçus et la façon dont elles les ont traités. Cette loi doit encore être approuvée par la chambre haute du Parlement avant d’entrer en vigueur.

Inquiétudes pour la liberté d’expression

L’Allemagne, dont la loi condamne déjà fortement les appels à la haine, les menaces et la diffamation, a vu déferler ces derniers mois sur les réseaux sociaux des messages racistes et haineux liés au contexte migratoire et aux attentats. L’inquiétude a grandi après l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, qui a aussi fait émerger un débat sur l’influence des fausses informations, massivement partagées sur les réseaux sociaux. Une question qui inquiète l’Allemagne, à quelques mois des élections législatives de septembre.

Dans un communiqué, Facebook a estimé que la loi allemande, si elle entrait en vigueur, n’allait « pas améliorer » la situation, évoquant « une absence de consultation qui ne fait pas justice à l’importance du sujet ». « Nous continuerons à faire tout ce que nous pouvons », a affirmé l’entreprise, en rappelant qu’elle embauchait 3 000 personnes supplémentaires dans son équipe de modération, jusqu’ici composée de 4 500 personnes.

La question est complexe : si certaines associations de défense des minorités se réjouissent de cette loi, d’autres critiquent le fait que l’on délègue à des entreprises privées l’application de la censure, et redoutent une atteinte à la liberté d’expression. « Les menaces de mort et les insultes, l’incitation à la haine ou la négation de l’Holocauste ne font pas partie de la liberté d’expression, estime de son côté le ministre de la justice allemand, Heiko Maas, à l’origine de ce texte. Elles constituent au contraire une atteinte à la liberté d’opinion d’autrui. »

La première ministre britannique veut légiférer

D’autres pays envisagent, eux aussi, de légiférer. Theresa May, la première ministre britannique, a fait savoir qu’elle souhaitait que les géants du Web puissent être condamnés à de lourdes amendes s’ils ne supprimaient pas rapidement les contenus extrémistes.

Mais mercredi dernier, lors d’une conférence sur le terrorisme et les réseaux sociaux, le nouveau contrôleur indépendant de la législation antiterroriste, récemment nommé par le gouvernement britannique, également conseiller de la reine, a fermement critiqué cette idée :

« Je ne vois pas en quoi cela pourrait aider que notre Parlement criminalise les responsables des entreprises tech qui “n’en font pas assez”. Quelle est la sanction appropriée ? Nous ne vivons pas en Chine, où l’Internet peut tout simplement être coupé chez des millions de personnes si le gouvernement le décide. Notre société démocratique ne peut pas être traitée de cette manière. »

Dans des propos rapportés par le Times, Max Hill craint aussi que ce type de législation agace les géants du Web et les éloigne des autorités, alors même que leur coopération sur ces sujets lui paraît indispensable. Il redoute également que les contenus problématiques finissent par être publiés sur d’autres réseaux plus obscurs, compliquant le travail des services de renseignement et des enquêteurs.