Le chef de l’Etat a annoncé, lundi 3 juillet, devant le Congrès réuni à Versailles, qu’il allait lever l’état d’urgence « à l’automne », proposer une dose de proportionnelle aux législatives et une réduction d’un tiers des députés et sénateurs. Les principaux responsables parlementaires sont intervenus dans la foulée du discours présidentiel, réagissant aux propos d’Emmanuel Macron.

  • « L’heure est à l’action »

Pour le nouveau président du groupe La République en marche (LRM) à l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, « l’heure est à l’action ». « Les objectifs sont clairs, y compris sur les évolutions institutionnelles. » « Libérer, protéger, réconcilier » sont « les points cardinaux de notre travail parlementaire », et, dans « une exigence de coconstruction », « chaque fois qu’une idée nous paraîtra bénéficier à la France, nous la soutiendrons. (…) Prenons la mesure de l’histoire, et marchons, marchons, pour que l’espoir abreuve nos sillons ».

Le président du groupe LRM au Sénat, François Patriat, a salué « un discours fondateur, de rassemblement, cohérent, appelant au renouvellement. Nous dire que l’on va supprimer un tiers des parlementaires, et se faire applaudir, je ne l’ai jamais vu sous la Ve République. (…) A l’image de John Fitzgerald Kennedy et sa “nouvelle frontière” », le chef de l’Etat « nous a invités à un changement de monde. (…) J’entends ici ou là parler de dérive monarchique, de pouvoir jupitérien : tenir de tels propos c’est préférer les petites histoires à l’histoire ».

« Les campagnes qui s’achèvent ont laissé un goût amer à tous ceux qui chérissent l’action politique », mais « il y a pour nous la volonté d’agir vite pour que les Français puissent voir se réaliser le plus tôt possible les changements qu’ils attendent (…). Tout reste à faire, mais (…) plus que jamais la France semble prête à bouger », a assuré Marc Fesneau, qui préside le groupe MoDem à l’Assemblée.

  • « Nous refusons de vous donner un blanc-seing »

Le patron des sénateurs Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, a jugé le discours du chef de l’Etat « très général ». « Il est utile de fixer une vision mais les Français veulent surtout du concret en passant à l’exercice pratique », a-t-il souligné.

« Macron s’est enfermé lui-même dans une contradiction redoutable : il devait être assez général pour ne pas empiéter sur le terrain du premier ministre, au risque d’être pas assez précis. »

Le moment « nous oblige à une certaine hauteur (…). C’est un moment paradoxal, parce que l’espérance qu’a fait naître cette élection présidentielle (…) contraste aussi avec le silence de celles et de ceux qui n’ont pas voté (…) parce que bien souvent les grandes douleurs sont muettes », a dit M. Retailleau devant les parlementaires à Versailles.

La députée LR Virginie Duby-Muller, vice-présidente du groupe à l’Assemblée, a pris la parole devant le Congrès : « Nous craignons que cette réforme institutionnelle » ne « désavantage les territoires ruraux », et n’« affaiblisse les parlementaires », car « la proportionnelle, c’est le triomphe des partis et du centralisme jacobin », mettant en garde contre « la tentation démagogique de la réduction du nombre de mandats dans le temps (…). Avec Les Républicains, nous serons au rendez-vous pour des réformes d’ampleur, que nous appelons de nos vœux depuis cinq ans », mais « nous refusons de vous donner un blanc-seing ».

« J’ai trouvé ça creux, lénifiant. Jupiter, c’est une planète gazeuse ! C’était très long et Macron a réussi l’exploit d’évoquer tous les sujets sans les détailler », a estimé le député LR Julien Aubert. Son collègue Damien Abad est du même avis : « J’ai trouvé ça creux et on peut vraiment se poser la question de l’utilité d’un tel discours. » « Ce Congrès n’avait qu’une fonction : sculpter la statue impériale d’Emmanuel Macron. Son discours était à moitié une harangue politique, à moitié un prêche philosophique. En réalité, ce n’était pas un discours politique mais un discours inutile », a estimé le député LR Guillaume Larrivé.

Pour le député du groupe parlementaire Les Constructifs Franck Riester, ce quinquennat doit être « une réussite pour la France. (…) Nous souhaitons travailler de façon libre et responsable avec le gouvernement. (…) L’urgence est de répondre aux grands défis auxquels la France est confrontée, et en premier lieu, la nécessaire régénération de notre démocratie. (…) Veillons néanmoins à ne pas compromettre l’équilibre bénéfique entre renouvellement et expérience. Prenons garde également de ne pas tomber dans un antiparlementarisme démagogique ».

  • « Conduire une politique et de gauche et de droite, c’est conduire une politique sans choix »

Au pupitre, Olivier Faure, le chef de file des députés socialistes à l’Assemblée, a mis en garde Emmanuel Macron et lui a rappelé que « gouverner, c’est choisir, si difficiles que soient les choix ». Or selon lui, « choisir ce n’est pas à Bruxelles en appeler à l’humanité, et en même temps laisser stigmatiser les associations à Calais », ce n’est pas « afficher la volonté d’augmenter le pouvoir d’achat et en même temps augmenter la CSG pour les retraités ». « Conduire une politique et de gauche et de droite, c’est conduire une politique sans choix », a-t-il résumé.

Pour le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui a réagi sur son compte Twitter : « Le message de Versailles est simple : “Moi je pense, toi tu exécutes et vous, vous commentez”. »

Le président du groupe socialiste et apparenté au Sénat, Didier Guillaume, est plus nuancé : « Le peuple s’est exprimé, il a exprimé une lassitude et il faut répondre à cette exaspération. La rencontre du président de la République avec les parlementaires c’est une marque de respect. Je dis chiche. Mais j’ai une proposition, que le président de la République vienne écouter les parlementaires, et leur réponde. »