Le Parlement réuni en Congrès à Versailles par François Hollande, le 16 novembre 2015. | PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

Comme Nicolas Sarkozy ou François Hollande avant lui, Emmanuel Macron va s’exprimer lundi 3 juillet, à partir de 15 heures, devant les députés et les sénateurs réunis en Congrès à Versailles. Mais le nouveau chef de l’Etat est le premier à s’exprimer devant les parlementaires dès le début de son mandat, soit moins de deux mois après son élection.

Un exercice inédit – critiqué par l’opposition et boycotté par certains –, programmé la veille du traditionnel discours de politique général que doit prononcer le premier ministre, Edouard Philippe, mardi, à partir de 15 heures, à l’Assemblée nationale. Un choix qui constitue « une marque d’irrespect » pour le chef du gouvernement, selon le député socialiste de la Loire, Régis Juanico.

Le discours de M. Macron s’effectuera dans l’aile du Midi du Château de Versailles, qui fut construite au XVIIe siècle par Louis XIV pour loger la famille royale. Cet exercice, que le nouveau président de la République souhaite reproduire chaque année pour « rendre des comptes », était une promesse de campagne, qui s’inscrit dans le cadre de la révision constitutionnelle en 2008.

  • Comment va se dérouler la séance ?

Avant de prendre la parole, Emmanuel Macron sera introduit par le président du Congrès, qui n’est autre que le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, élu le 27 juin.

Le chef de l’Etat fera face aux parlementaires qui seront installés par ordre alphabétique. Mais les 577 députés et 348 sénateurs ne seront pas tous présents. Les 17 députés du groupe La France insoumise, la trentaine de parlementaires communistes ainsi que quelques élus UDI, comme Jean-Christophe Lagarde, ont annoncé qu’ils boycotteraient l’événement.

Par ailleurs, comme le prévoit la Constitution, un débat, sans vote, aura lieu à la fin du discours du président de la République et après son départ de l’hémicycle. Un orateur de chaque groupe politique des deux assemblées pourra prendre la parole durant dix minutes, selon l’ordre d’importance numérique décroissant des groupes.

Le premier à s’exprimer sera ainsi le président du groupe de La République en marche à l’Assemblée nationale, Richard Ferrand. Il sera suivi par Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs Les Républicains.

  • Les précédents Sarkozy et Hollande

Si convoquer le Parlement en début de mandat est inédit, ce n’est pas la première fois qu’un président de la République réunit les parlementaires en Congrès. Ce fut le cas de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Le président de la République a la possibilité de s’exprimer devant les députés et les sénateurs depuis la révision constitutionnelle de 2008, qui avait été adoptée avec une seule voix d’avance.

Le 22 juin 2009, dans un contexte de crise économique, le président Nicolas Sarkozy annonce devant le Congrès un remaniement ministériel et le lancement d’un emprunt pour financer les mesures gouvernementales à venir. Attendu notamment sur le dossier des retraites, il a assuré que le gouvernement « prendra ses responsabilités » à la « mi-2010 », ouvrant la porte à un relèvement de l’âge légal de la retraite.

Six ans plus tard, le 16 novembre 2015, c’est au tour de François Hollande de réunir les parlementaires à Versailles. Trois jours après les attentats de Paris et de Saint-Denis du 13 novembre, le chef de l’Etat entend, par cette prise de parole, « rassembler la Nation ». « La France est en guerre », lance M. Hollande dès le début de son discours, au cours duquel il annonce notamment son intention de prolonger l’état d’urgence et de mettre en place la déchéance de nationalité – une mesure qui provoquera des mois de débats et de divisions. Le chef de l’Etat est ensuite ovationné par l’ensemble de l’hémicycle, puis tous les élus chantent La Marseillaise.

  • Pourquoi ce Congrès fait-il polémique ?

A chaque fois qu’un président convoque le Congrès, son coût fait l’objet de nombreuses critiques. Et celui de lundi n’échappe pas à la règle. Ainsi le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, a justifié son boycott de l’événement notamment par son coût. Dans une interview au Progrès lundi, le centriste explique sa décision : « Je crois toujours que ce Congrès est coûteux et inutile. Bloquer le château de Versailles et y déplacer 1 000 parlementaires et leurs collaborateurs coûte cher. »

La critique est la même du côté du député Les Républicains Damien Abad, pour qui ce Congrès est un « pied de nez à 500 000 euros fait au premier ministre ». D’après Paris Match, réunir les parlementaires à Versailles coûte entre 200 000 et 600 000 euros, pour l’aménagement du site, sa sécurisation, l’acheminement des parlementaires…

Le Congrès du 21 juillet 2008 pour la révision de la Constitution, qui s’était tenu pendant un après-midi, avait coûté plus de 230 000 euros. Alors président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer avait estimé à « approximativement » 400 000 euros le coût du Congrès réuni en 2009 par Nicolas Sarkozy. Selon un rapport sénatorial, le discours de M. Hollande, en novembre 2015, avait lui coûté plus de 130 000 euros. Dont 85 000 euros pour « la captation vidéo de la séance », 11 000 euros « de rémunération des personnels » ou encore près de 6 000 euros de « collations et boissons ».

Au-delà du coût de l’événement, c’est la tenue de ce Congrès en elle-même, avant le discours de politique générale, qui irrite certains parlementaires. Comme par exemple Jean-Luc Mélenchon : le chef de file de La France insoumise a dénoncé le « franchissement d’un seuil dans la dimension pharaonique de la monarchie présidentielle ».

Même parmi ceux qui seront présents à Versailles lundi, certains critiquent « la dérive autocratique » du président Macron. Pour Guillaume Larrivé, député LR de l’Yonne, c’est « une faute politique » : « Nous ne sommes pas dans un régime impérial où il s’agirait d’aller applaudir le nouveau prince qui s’exprimerait devant nous en toute irresponsabilité. »

Pour François de Rugy, c’est au contraire « un bel hommage aux parlementaires ». « Le premier grand discours aux Français, il le fait devant les parlementaires et à travers eux il s’adresse aux Français », a expliqué le président de l’Assemblée nationale, lundi matin sur RTL.

  • Un hémicycle construit en 1875

Lorsque les parlementaires sont convoqués en Congrès, ils se réunissent dans l’hémicycle situé dans l’aile du Midi, également appelée l’aile des Princes, du château de Versailles. Elle a été construite en 1682 sous Louis XIV pour accueillir les enfants royaux.

C’est dans cette aile qu’a été construite ensuite la salle du Congrès, en 1875, pour abriter le Parlement. La salle accueillait ainsi les députés qui y tinrent séance jusqu’en 1879 avant de revenir à Paris, au Palais-Bourbon. Durant la IIIe et IVe République, les parlementaires se réunissent toujours au château de Versailles pour élire le chef de l’Etat.

Ce sera également le cas entre 1958 et 1962 au début de la Ve République. Mais depuis l’élection du président de la République au suffrage universel, établie en 1962, la salle accueille le Parlement en Congrès pour adopter les projets de révision constitutionnelle ou pour des séances exceptionnelles, comme celle de lundi.