Lors de son discours de politique générale, mardi 4 juillet, le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé que l’ensemble des « vaccins pour la petite enfance, qui sont unanimement recommandés par les autorités de santé, deviendront obligatoires », et ce « dès l’an prochain ».

Aujourd’hui, seuls trois vaccins sont obligatoires pour les enfants de moins de 18 mois : diphtérie, tétanos et poliomyélite (DTP). Huit autres sont seulement recommandés. Ce sont les vaccins contre la coqueluche, le virus de l’hépatite B, la bactérie Haemophilus influenzae, le pneumocoque, le méningocoque C et les virus de la rougeole, des oreillons et de la rubéole.

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, avait annoncé dans les colonnes du Parisien le 16 juin réfléchir « à rendre obligatoire les onze vaccins » destinés aux enfants, « pour une durée limitée ». L’objectif est d’abord de lutter contre le fort climat de défiance, renforcé par la pénurie de certains vaccins : 41 % des Français déclarent douter de la sécurité des vaccins. Les anti-vaccins fustigent leurs effets secondaires supposés (notamment en raison des adjuvants comme l’aluminium que certains contiennent) et accusent les laboratoires de privilégier la rentabilité.

Le but est aussi de combattre la baisse du taux de couverture vaccinale en France, l’un des plus faibles d’Europe. Pour la rougeole, la couverture vaccinale stagne en France depuis plusieurs années autour de 75 %, bien en dessous du seuil de 95 % nécessaire à son élimination. « Des maladies que l’on croyait éradiquées se développent à nouveau sur notre territoire, des enfants meurent de la rougeole aujourd’hui en France… Dans la patrie de Pasteur, ce n’est pas admissible », a martelé Edouard Philippe. Depuis 2008, la rougeole a causé la mort de 10 enfants en France.

Calendrier très serré

Pour beaucoup, la coexistence de vaccins obligatoires et de vaccins recommandés « n’a plus de sens ». En effet, depuis 2008, le DTP seul n’est plus commercialisé et les laboratoires l’associent à d’autres vaccins recommandés sous forme de vaccins polyvalents, vendus plus chers. L’une des raisons pour lesquelles le gouvernement prend position aussi rapidement sur cette question sensible tient au calendrier très serré imposé par le Conseil d’Etat. Saisie par une association de promotion des « médecines naturelles », la plus haute juridiction administrative avait enjoint en février au gouvernement de prendre des mesures pour rendre disponibles, d’ici au 8 août, les trois vaccins obligatoires (DTP), introuvables depuis 2008 sans être associés avec d’autres. Une mise sur le marché impossible dans un délai aussi serré, avaient fait valoir les laboratoires pharmaceutiques.

Marisol Touraine, la prédécesseure d’Agnès Buzyn, avait préparé un projet de loi allant dans ce sens. Elle suivait ainsi les recommandations du rapport du professeur Alain Fischer, publié à l’issue d’une « concertation citoyenne » sur la vaccination organisée en 2016. Mais le débat promet d’être houleux. « L’obligation vaccinale est une réponse simpliste et inadaptée, selon le Collège national des généralistes enseignants (CNGE). Il est à craindre que son caractère autoritaire renforce la défiance et la suspicion d’une partie croissante de la population », ajoute la société scientifique.

En revanche, deux cents médecins ou responsables hospitaliers avaient lancé un appel dans les colonnes du Parisien-Aujourd’hui en France jeudi 29 juin en faveur de l’obligation vaccinale. Il ne s’agit « pas seulement d’un choix personnel n’ayant de bénéfices que pour la personne » qui en a l’usage. Une vingtaine de sociétés savantes allaient dans ce sens.

Reste des questions : ces vaccins seront-ils pris en charge à 100 % par l’Assurance-maladie ? Y-aura-t-il une clause d’exemption pour les parents hostiles à la vaccination ?

Vers un paquet de cigarettes à 10 euros

En outre, le premier ministre a promis mardi d’accentuer la lutte contre le tabac, et « portera progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros », contre environ 7 euros actuellement (+ 40 %). « Mon objectif est que la génération qui naît aujourd’hui soit la première génération sans tabac », a annoncé Agnès Buzyn dans sa feuille de route, répondant à l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron. « Le tabac en France entraîne plus de 80 000 décès par an. C’est la première cause de mortalité évitable, et la consommation quotidienne de tabac augmente chez les adolescents. Ne rien faire est exclu », a dit Edouard Philippe, promettant aussi de « lutter sans merci contre les trafics ».

Par ailleurs, le premier ministre a promis que « d’ici la fin du quinquennat, tous les Français auront accès à des offres de soins sans aucun reste à charge pour les lunettes, les soins dentaires et les aides auditives ». Et d’ajouter, « notre stratégie de santé devra rompre le cercle vicieux du “renoncement aux soins” ».