Stephen Boyer tente de transpercer le mur belge le 18 juin dernier en Ligue mondiale. | KRISTOF VAN ACCOM / AFP

Les volleyeurs français ont le cuir solide. Malgré la déception de son aventure olympique à Rio l’an passé (onzième place), malgré les blessures et les départs à la retraite de certains joueurs d’expérience, l’équipe de France réalise pour le moment une saison 2017 époustouflante en enchaînant les succès.

A la fin de mai, à Lyon, les coéquipiers d’Earvin Ngapeth ont d’abord brillamment obtenu leur billet pour les Mondiaux 2018. Puis, ils se sont qualifiés avec brio pour le Final Six de la Ligue mondiale de volley, qui se déroule du 4 au 8 juillet à Curitiba, au Brésil.

International pendant plus de treize ans (1982-1995), Laurent Tillie est le sélectionneur des Bleus depuis 2012. Il se montre admiratif de la capacité de renouvellement de son équipe. Et alors que les Français tenteront également de défendre leur titre de champion d’Europe du 23 août au 3 septembre en Pologne, il ne manque pas de critiquer le rythme infernal imposé par les instances de son sport.

Après la déception de Rio, l’équipe a été fortement renouvelée. Pourtant, les résultats sont au rendez-vous. Cela vous surprend-il ?

Laurent Tillie : Je suis bluffé et agréablement surpris. On s’attendait à une chute après les Jeux. Pour tout dire, on craignait ce début de saison. Nous avions peur de ne pas nous qualifier pour les championnats du monde, de rater notre Ligue mondiale. Mais on a affiché un niveau de jeu incroyable avec l’intégration de jeunes joueurs et de ceux qui jouaient moins les années précédentes. Il y a un turn-over efficace avec quelques anciens toujours au top, des nouveaux, et des joueurs qui sont passés de remplaçants à titulaires. Dans le groupe actuel, j’ai cinq joueurs qui n’étaient pas à Rio. Lors des deux derniers matchs, il n’y avait même que deux joueurs de Rio sur le terrain.

De jeunes joueurs comme Stephen Boyer (21 ans) se sont mis en évidence. Quels profils ont-ils ?

Stephen Boyer a fait ses débuts lors du tournoi de qualification olympique en 2016 à Tokyo, même s’il n’est pas allé à Rio avec nous. Cette année, des jeunes comme Barthélémy Chinenyeze ou Daryl Bultor ont fait leurs débuts. Nous n’avons pas beaucoup d’argent, alors on essaie d’avoir des idées. Nous avons mis en place des camps d’entraînement pendant les étés à destination de tous les jeunes joueurs français qui veulent s’entraîner et progresser. On paie la nourriture le midi.

Ces camps ont lieu à Montpellier, dans l’équivalent de l’Insep pour le volley. C’est là que nous avons repéré ces jeunes talents. Après, on les suit en championnat et on les a intégrés. Ils sont très concentrés sur ce qu’ils font, ils ont des qualités physiques et ils poussent nos anciens à performer. Même s’ils ne sont pas encore à leur niveau, c’est motivant pour tout le monde.

Peut-on dire désormais que le volley français possède un savoir-faire, un peu à l’image des handballeurs tricolores ?

Cela serait un peu prétentieux d’affirmer ça. Il est certain que cela fait trois ou quatre ans que l’on avance. Il y a un mois, je disais aux joueurs que si on arrivait à conserver ce niveau, nous étions partis pour Paris 2024. Il faut continuer sans cesse à viser les podiums internationaux, se qualifier pour Tokyo en 2020, et là on pourra dire que nos bons résultats ne sont pas le fait d’une seule génération. On pourra alors mettre en avant l’engouement et un certain savoir-faire. Le travail aura fonctionné.

Presque un an après les Jeux de Rio, vous revenez au Brésil. Vous n’y avez pas que des mauvais souvenirs, puisque vous aviez gagné en 2015 votre première Ligue mondiale. Parlez-nous de cette compétition…

C’est une sorte de Tournoi des six nations mais avec trente-six sélections sur la ligne de départ. C’est un tournoi très prestigieux que la Fédération internationale de volley a voulu instaurer. C’est une compétition qui nous intéresse, car elle est devenue traditionnelle, on y joue les meilleurs du monde et elle offre une grande visibilité. Les joueurs et la Fédération reçoivent aussi de belles primes.

Cette année, on va jouer le Final Six de la Ligue mondiale devant 40 000 spectateurs installés dans le stade de foot de Curitiba. Il y a deux poules de trois, le dernier est éliminé et les deux premiers disputent les demi-finales. On aura fort à faire avec les Etats-Unis et la Serbie dans notre poule.

Après ces quatre jours de Ligue mondiale, vous devrez vous concentrer sur la défense de votre titre européen à la fin d’août, en Pologne. Comment l’envisagez-vous ?

Nous allons essayer de conserver notre titre. Pour cela, il vaut mieux sortir premier de notre poule pour avoir un tableau plus favorable. En Europe, le niveau est très homogène et donc c’est très compliqué. A domicile, une équipe comme la Pologne sera encore plus redoutable.

En trois mois, vous faites face à un véritable marathon, avec le tournoi de qualification au Mondial 2018, la Ligue mondiale et les championnats d’Europe pour clore l’été. Ce rythme infernal n’est-il pas déraisonnable ?

Je vais vous donner les numéros de téléphone des présidents de la Fédération internationale et de Fédération européenne et vous leur poserez la question ! Plus sérieusement, c’est aberrant et ça tue les joueurs. Au début de notre stage, certains ont disputé la finale de leur championnat le samedi, avant de me rejoindre dès le lundi. On essaie de faire attention, de réaliser des entraînements plus courts et de faire du sur-mesure. Il faut s’adapter, mais il y a une usure des joueurs qui atteignent l’âge de 26, 27 ans.

A force de mettre des tournois de qualification qui qualifient pour d’autres tournois de qualification, en caricaturant à peine, on met en danger la santé des joueurs. Tout ça pour des intérêts financiers car ces rendez-vous représentent une manne non négligeable. Ça devient compliqué et on a beaucoup de blessés. Je pense qu’à l’avenir, il y a le risque que les gros joueurs, les stars, refusent la sélection pour ne pas mettre en danger leur carrière. Chez nous, les internationaux gagnent 1 300 euros par mois en sélection, mais avec leurs clubs, les plus côtés peuvent toucher de 20 000 à 40 000 euros par mois.

Depuis trois ans, les joueurs ont passé 135 jours par an en stage, en déplacement et en compétition avec les Bleus. C’est une proportion énorme, et j’ai beaucoup de respect pour ce qu’ils font et la manière dont ils enchaînent.

Vous entamez une nouvelle olympiade. Quels sont vos objectifs les plus prégnants ?

Cela reste les Jeux… C’est une compétition que l’on a toujours foirée. Pour s’y qualifier, les places sont chères. On sait bien que pour y être performant et monter enfin sur un podium olympique, il faut obtenir des résultats lors des années précédentes. Cela permet d’assurer la gestion de la pression, de maintenir l’exigence du haut niveau.