Dans les écoles hôtelières, les filles sont plus nombreuses mais n’accèdent pas à des postes élevés. | Vérane Frédiani

« Le problème n’est pas qu’il n’y a pas de femmes en cuisine : c’est qu’on ne sait pas les chercher. » Forte de cette conviction, la productrice et réalisatrice Vérane Frédiani est partie aux quatre coins du monde pour les trouver et les rencontrer, dans les établissements étoilés comme dans les petits restaurants familiaux. Le résultat est un long-métrage documentaire militant, sans agressivité ni chichis, qui donne la parole à des dizaines de cuisinières, productrices artisanes, sommelières, entrepreneuses, qui explore le pourquoi et le comment d’un déséquilibre profond, et qui entend faire découvrir à tous « les déesses de la cuisine professionnelle, celles qui inventent la gastronomie d’aujourd’hui et de demain ».

Féministe gourmande, née en France et installée à Londres, Vérane Frédiani a déjà coproduit et coécrit plusieurs films et ouvrages avec son compagnon Franck Ribière, notamment autour de la viande. « Lorsque nous avons commencé à explorer l’univers de la gastronomie, raconte-t-elle, j’étais choquée de voir à quel point les femmes étaient présentes, mais invisibles. C’est un monde d’hommes, pour les hommes. Dans les articles de presse, mais aussi dans les salons, les compétitions ou les festivals culinaires, il n’y a quasiment que des hommes. »

L’enjeu va bien au-delà d’une quête de parité

Comment se fait-il que le classement 50 Best décerne un « Prix de la meilleure femme chef de l’année », mais qu’il n’y ait aucune femme dans ses cinquante premiers chefs ? Qu’il y ait autant, sinon plus, de filles que de garçons dans les écoles hôtelières, mais que bien moins se retrouvent à des postes élevés à la sortie ? La faute à qui ? Aux hommes, sans doute, qui ne leur font pas la place qu’elles méritent, aux médias, certainement, qui optent généralement pour les personnalités les plus en vue, mais aussi aux femmes, qui « ne savent pas se vendre », comme l’affirme Maria Canabal, la fondatrice du Parabere Forum, créé en 2015 et consacré aux femmes en gastronomie.

« Mon but n’est pas d’accuser les hommes, mais plutôt de donner confiance aux femmes, assure Vérane Frédiani. Il faut qu’elles apprennent à se mettre en avant, à se valoriser dans la profession, à se coopter et à occuper le terrain. » Car, si, pour la réalisatrice, il n’y a pas de cuisine féminine à proprement parler, l’enjeu va bien au-delà d’une quête de parité : « Les femmes ont une conscience plus large des problématiques, du rôle et de l’importance de la cuisine dans la société, et sur Terre. » Pour elle, comme pour bon nombre des protagonistes de son film, les femmes, nourricières, créatives et généreuses, pourraient bien sauver la planète à travers la cuisine.

« A la recherche des femmes chefs », film documentaire de Vérane Frédiani, 90 min. Sortie en salle le 5 juillet.