Edouard Philippe, Premier ministre, à l’Assemblée nationale, à Paris, mardi 4 juillet 2017. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Editorial du « Monde ». Edouard Philippe a réussi son pari. Au lendemain de la déclaration solennelle du président de la République à Versailles, le premier ministre était confronté au redoutable défi de trouver sa place, de marquer son territoire et de ne pas apparaître comme un simple « collaborateur » du chef de l’Etat. Il s’en est acquitté avec un discours de bonne facture, recourant à un registre sobre, tant sur le ton que sur le régime qu’il préconise pour faire face à « l’urgence sociale ». A Emmanuel Macron la vision, au chef du gouvernement l’intendance, la « pensée complexe » d’un côté, les mains dans le cambouis de l’autre. Comme on pouvait s’y attendre, M. Philippe a obtenu une large confiance – 370 députés la lui ont accordée – avec un haut niveau d’abstention (129).

Le premier ministre a rendu un hommage appuyé à deux de ses prédécesseurs, Jacques Chaban-Delmas et Michel Rocard, qui ont eu l’un et l’autre maille à partir avec leur président, une façon de revendiquer le double parrainage du gaullisme et de la social-démocratie. Et de droite et de gauche.

Si ce fidèle d’Alain Juppé n’a pas participé à la campagne du candidat d’En marche !, il entend, en bon élève, mettre en œuvre tous ses engagements. Mais « sans précipitation », même si la France danse sur « un volcan qui gronde de plus en plus fort ». M. Philippe a fustigé l’« addiction française à la dépense publique » avec des accents qui rappelaient ceux de Laurent Fabius, quand celui-ci, alors ministre de l’économie, s’en prenait, en 2000, aux « dépensophiles ».

Moyens encore flous

S’appuyant sur l’audit alarmant de la Cour des comptes – 8 milliards d’euros de dépenses non financées –, le chef du gouvernement a confirmé sa volonté de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du produit intérieur brut dès 2017 et de faire baisser de trois points d’ici cinq ans la dépense publique, soit 60 milliards d’euros d’économies. Dans le même temps, un plan quinquennal d’investissements de 50 milliards sera consacré à la transition écologique, la santé, les transports, l’agriculture et la modernisation de l’Etat. Dans l’un et l’autre cas, en l’absence de tout collectif budgétaire, les moyens pour atteindre ces objectifs, rigoureusement conformes à la feuille de route de M. Macron, restent ­encore flous.

Si certaines mesures vont s’appliquer dès 2018, comme la hausse de la CSG compensée pour les actifs par la suppression des cotisations salariales sur l’assurance-maladie et l’assurance-chômage ou l’augmentation de la prime d’activité, afin de donner du pouvoir d’achat aux salariés, d’autres promesses électorales de M. Macron vont être étalées sur le quinquennat. Il en est ainsi de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse des charges (2019), de la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune (2019) ou encore de la réduction de l’impôt sur les sociétés qui interviendra par étapes pour passer de 33,3 % aujourd’hui à 25 % en 2022. Quant à la mise en œuvre de l’exonération de la taxe d’habitation – engagement emblématique du président –, une « réforme attendue par les contribuables mais redoutée par les élus », selon la formule de M. Philippe, elle n’interviendra pas avant 2020.

Le Medef s’alarme des reports et la CGT dénonce un « programme d’austérité ». M. Philippe s’est engagé sur un chemin étroit pour réaliser ses ambitions. Le moindre faux pas peut réveiller le volcan.