Le Sénat a bien conscience de sa place institutionnelle contrainte et d’un risque de marginalisation face au bloc majoritaire constitué par l’Assemblée nationale, le gouvernement et le président de la République. Philippe Bas, le président (Les Républicains) de la commission des lois du palais du Luxembourg, compte tester sans attendre ce nouveau rapport de forces, a-t-il affirmé mercredi 5 juillet lors d’une conférence de presse sur le projet de loi du gouvernement « rétablissant la confiance dans l’action publique ». En assurant que le Sénat est « par essence constructif ».

La commission des lois a tout de même biffé d’un coup de crayon, en examinant le texte avant sa discussion en séance à partir du lundi 10 juillet, l’article 12 qui permettait au gouvernement de créer par ordonnance une « banque de la démocratie ». Ce projet, cher à l’éphémère garde des sceaux, François Bayrou, était censé résoudre les problèmes de financements des partis à qui les banques refusent de prêter. Trop flou et trop dangereux, ont tranché les sénateurs.

Sur le cœur du projet qui sera défendu par Nicole Belloubet, ministre de la justice, le texte a été approuvé en commission sans un seul vote contre, mais après avoir été largement amendé. Les sénateurs sont même disposés à aller plus loin que le gouvernement, comme sur la peine automatique de dix ans d’inéligibilité qui devrait être prononcée par les tribunaux en cas de condamnation pour des atteintes à la probité. « Nous réfléchissons à un amendement en séance pour étendre l’inéligibilité à la grande délinquance économique et financière », a souligné M. Bas. De même le Sénat propose de durcir le texte sur la transparence du financement des partis politique en sanctionnant pénalement la non-publication des comptes plutôt que se cantonner à une suspension des financements publics, indolore pour les similis partis mis en sommeil entre deux échéances électorales.

Suppression de la réserve parlementaire

Gage de bonne volonté des sénateurs, ils se sont rangés à l’une des mesures phares qui figurait dans le programme présidentiel du candidat Macron, la suppression de la réserve parlementaire. Ils sont pourtant très à attachés à ces enveloppes de subvention laissées à la discrétion des députés et sénateurs pour aider au financement de projets municipaux ou d’associations (environ 130 000 euros chacun par an).

Aussi, le Sénat va-t-il tenter d’imposer au gouvernement un dispositif de substitution qui permettrait de subventionner les projets d’investissement des petites communes, à l’exclusion des associations afin d’éviter le risque de financement détourné de partis. Le ministère de l’intérieur choisirait dans une liste de propositions des parlementaires mise en ligne. Pour ne pas faire de jaloux, la réserve ministérielle (19 millions d’euros en 2013, 5,4 millions en 2017) serait soumise aux mêmes obligations de transparence.

En revanche, les élus du Palais du Luxembourg adoucissent considérablement le texte qui prévoyait de déchoir leurs mandat à peine élus, les députés et sénateur dont Bercy estime qu’ils ne sont pas à jour de leurs obligations fiscales. D’une part, les élus concernés disposeraient finalement de la possibilité de régulariser leur situation ou de contester l’avis du fisc avant même qu’il ne prévienne le bureau de leur assemblée. D’autre part, la déchéance du mandat ne serait décidée qu’en cas de « manquement d’une particulière gravité » laissant ainsi une marge d’appréciation.

Le gouvernement, par la voix de la ministre de la justice, devrait donner dès lundi son point de vue sur les apports du Sénat à son premier grand projet de loi du quinquennat.