Hantée par le spectre d’une crise humanitaire et sanitaire qui menace dans le nord de Paris, autour du centre d’accueil pour les migrants porte de La Chapelle, Anne Hidalgo veut faire la démonstration que la situation si elle est « inacceptable », dit-elle, n’est pas insurmontable. Pour soulager les associations et les bénévoles et apaiser le quotidien des riverains, elle compte sur les services de l’Etat pour mettre rapidement « à l’abri » le millier de personnes qui campe dans les rues autour du site. Au-delà de cette urgence, la maire de Paris – qui a convaincu le précédent gouvernement de l’aider à ouvrir le centre de La Chapelle en 2016 – compte sur l’actuel exécutif pour encourager les autres métropoles françaises à ouvrir des structures analogues sur leur territoire et desserrer ainsi la pression migratoire sur la capitale. Alors que le gouvernement présentera la semaine prochaine des « mesures » pour faire face au défi migratoire, Mme Hidalgo n’entend pas relâcher sa pression sur Emmanuel Macron sans pour autant ouvrir un front avec lui sur le sujet.

Avec le souci, dit-elle « d’aider à trouver des solutions », elle devait rendre public, jeudi 6 juillet, un plan de programmation national sur cinq ans. Bien qu’elle ne soit pas parlementaire, elle a choisi de donner à ce projet la forme d’une proposition de loi. « La politique d’accueil et d’intégration des migrants en général n’a jamais été consacrée par la loi, indique le document que Le Monde s’est procuré, ce qui explique que nous ayons autant de mal à la définir. »

A l’instar du plan annoncé le 20 juin par le ministre de l’intérieur, la maire de Paris préconise « une répartition organisée des migrants sur l’ensemble du territoire comme cela se fait en Allemagne et en Italie ». Mme Hidalgo suggère que les ministres compétents fixent chaque année « entre les départements » le nombre de migrants à accueillir en fonction « de critères démographiques et économiques ». Elle propose, sur le modèle du centre parisien de La Chapelle, que les collectivités se dotent de sites permettant « une mise à l’abri, une information sur le droit d’asile, un premier examen de leur santé et une évaluation de la minorité » des migrants. Ces centres bénéficieraient d’un concours financier de l’Etat à travers un fond de 5 millions d’euros.

Soutien renforcé

Outre le secours aux primo-arrivants, Mme Hidalgo jette les bases d’un soutien renforcé aux migrants qui ont obtenu le statut de demandeurs d’asile ou de réfugiés. Son texte planifie le renfort des capacités d’hébergement. Les places dans les centres d’accueil pour demandeur d’asile (CADA) passeraient de 40 000 en 2017 à 75 000 en 2022. Pour réduire « l’embolie » des CADA, elle propose aussi de faire évoluer les conditions « d’accès à l’emploi et au logement ordinaire des réfugiés ».

Dans une troisième partie, Mme Hidalgo défend « une nouvelle organisation institutionnelle » de la politique de l’intégration. Au motif qu’« elle ne peut se restreindre à la gestion de l’immigration sous l’angle de l’ordre public », le texte énonce la suppression de la tutelle exclusive du ministère de l’intérieur. Mme Hidalgo qui pourfend une approche sécuritaire du sujet entend créer « une agence de l’accueil et de l’intégration » placée auprès du premier ministre. Serait nommé à sa tête un « haut-commissaire », choisi par Matignon.

La maire de Paris a obtenu, mardi 4 juillet, le soutien unanime des groupes politiques au Conseil de Paris à son appel à « un effort de solidarité nationale » en faveur des réfugiés. En montrant que ses positions sur le dossier transcendent le clivage gauche-droite dans la capitale, Mme Hidalgo espère convaincre le chef de l’Etat de s’inspirer de sa feuille de route.