Camion Paprec, à La Courneuve, dans la Seine-Saint-Denis, en octobre 2015. | MIGUEL MEDINA / AFP

« Dis, papa, c’est quoi cette bouteille de lait ? Dis, papa, comment on fait les bébés ? Alors, mon garçon, il s’agit d’une bouteille en PET [polytéréphtalate d’éthylène] opaque que l’on ne sait pas recycler… » Plus pour longtemps. Jeudi 6 juillet, l’entreprise de recyclage Paprec, qui traite chaque année 300 000 tonnes de plastiques, a annoncé la création d’une coentreprise avec LSDH, le premier producteur français de bouteilles de lait en PET opaque, pour lancer une nouvelle filière de recyclage consacrée à ce matériau.

A son lancement, en 2009-2010, le PET opaque était paré de toutes les vertus. Il était plus léger de 15 % à 20 % que le polyéthylène haute densité (PEHD), un plastique concurrent, et était produit avec beaucoup moins d’eau que d’autres matériaux. Etanche, il permettait de faire l’économie d’un opercule d’aluminium. Et puis, il était brillant, ce qui le met en valeur dans les linéaires des supermarchés. Enfin, il était de 20 % à 30 % moins cher que d’autres concurrents.

Tout cela reste vrai. Mais son recyclage laissait, et laisse toujours, à désirer. Pour opacifier la bouteille, afin de protéger le lait des rayonnements ultraviolets, de l’oxyde de titane, voire des colorants, sont ajoutés au polymère. « Les opacifiants utilisés ne permettent pas de l’intégrer dans les filières de transformation de plasturgie existantes pour le PET coloré. Ils ne répondent pas au besoin de transparence pour les applications emballages et rendent inutilisable la fibre textile, car elle devient cassante », explique Sébastien Petithuguenin, le directeur général de Paprec Recyclage.

Solution de recyclage circulaire, dite « bouteille à bouteille »

Le PET opaque est dans une véritable impasse pour les spécialistes du recyclage, alors que ce produit a connu une croissance exponentielle ces dernières années. En 2017, il devrait s’écouler 12 000 tonnes de bouteilles en PET opaque, dont 4 000 tonnes pour les seules bouteilles de lait, pour 350 000 tonnes de bouteilles en PET. Et dans les lignes de tri de Paprec, il représente déjà 12 % des flux collectés.

Au début de 2017, l’association Zero Waste a lancé une campagne pour dénoncer la non-recyclabilité du matériau, ce qui a eu une certaine incidence sur les grands groupes, qui ont ralenti leur achat du matériau. Néanmoins, le PET opaque reste encore très populaire dans le reste du monde en raison de son coût.

A la fin de 2016, l’organisme Eco-Emballages a lancé un programme pluriannuel de travail pour trouver une solution de recyclage ainsi qu’un appel à projet pour financer un projet pilote. En créant une coentreprise, Paprec et LSDH souhaitent lancer sans attendre une solution de recyclage circulaire, dite « bouteille à bouteille ». Les deux sociétés ont obtenu le soutien de Carrefour pour valoriser cette approche.

Objectif, un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros

« Paprec va collecter, trier le PET opaque séparément du PET foncé et clair et produire un granulat qui sera ensuite confié à LSDH pour produire de nouvelles bouteilles, explique Emmanuel Vasseneix, le président de LSDH. Notre objectif est d’atteindre un taux de matière recyclé de 50 % dans les nouvelles bouteilles de PET opaque, contre un taux moyen de 25 % pour les bouteilles PET classique. » Si la coentreprise tient cet objectif, il devra collecter et traiter environ 2 000 tonnes de bouteilles, soit un chiffre d’affaires annuel d’environ 2 millions d’euros.

Paprec a déjà mobilisé deux de ses douze usines sur ce sujet. « Nous réalisons, dans notre usine de Rennes, un surtri des bouteilles PET opaque que nous traitons, puis nous envoyons les balles de bouteilles vers notre usine de Limay [Yvelines], où elles sont transformées en granulats », raconte Sébastien Petithuguenin.

« Nous travaillons depuis plusieurs mois sur ce projet, et nous sommes en train de caler et de valider tous les contrôles sanitaires, poursuit Emmanuel Vasseneix. Les premières bouteilles contenant une partie de matériau recyclé devraient être commercialisées d’ici à la fin de 2017 ou au début de 2018, après l’étude d’un cycle de vie complet d’une bouteille, qui s’étend sur quatre à cinq mois. »