Edition 2016 des Siestes Electroniques au Musée du quai Branly - Jacques Chirac | Morgan Eloy

L’audioguide ne sera pas nécessaire. Un oreiller risque d’être plus utile pour apprécier confortablement les œuvres sonores des Siestes Electroniques. Depuis 2011, le musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris accueille ce festival né à Toulouse.

Deux ans auparavant, le jeune musée – précurseur dans le domaine – développe les Before: des soirées gratuites pour les 18-25 ans, organisées autour des collections et agrémentées de DJ set. Il a fallu attendre la saison 2016-2017 pour que fleurissent durablement dans les programmations des événements similaires. Cette année, les halls d’exposition ont été préférés aux auditoriums des musées d’Orsay, Guimet ou encore du Petit Palais (dans le cadre de Paris Musée Off) pour accueillir des concerts de musique électronique.

Son statut de pionnier en la matière, le musée du quai Branly-Jacques Chirac le doit à sa jeunesse. « Le but des musées traditionnels est de rester dans l’éternité, ils sont donc moins ouverts aux choses nouvelles », affirme Samuel Aubert, programmateur des Siestes Electroniques. Mais petit à petit, les stratégies d’élargissement du public l’exigent.

Rajeunir le public

Au musée Guimet, musée national des arts asiatiques, la moyenne d’âge des visiteurs est de 54 ans. Les Guimet [Mix] sont lancés en 2016 pour rajeunir le public. Gratuites, ces soirées sont directement inspirées des Siestes Electroniques : les DJ travaillent à partir des archives sonores du musée (de la musique folklorique asiatique à la K-Pop), explique Frédéric Le Gallou, chargé de la programmation culturelle. Les 25-35 ans sont majoritaires parmi le public et 70% d’entre eux n’ont jamais visité les collections auparavant. Seul le rez-de-chaussée est ouvert pendant le concert pour « les frustrer un peu et les faire revenir ».

Les musées traditionnels sont de moins en moins réfractaires à faire entendre de la musique électronique dans leurs salles, car le modèle a fait ses preuves à l’étranger depuis longtemps. Le rapprochement entre l’art et l’électro date des années 1990, raconte Samuel Aubert, « des sous-genres comme l’Intelligent Dance Music avaient pour vocation de montrer que l’électro n’était pas que fonctionnelle, c’est à dire faite pour les clubs ». Le musée d’art moderne de new-York (MoMA) fête ainsi, en juillet, le vingtième anniversaire du Warm Up festival qui accueille chaque année de célèbres DJ.

Les Etats-Unis sont en avance, certes, mais surtout parce que les musées « louent leurs espaces. La programmation du MoMA PS1, c’est un projet lucratif », affirme Samuel Aubert, qui met en avant la nécessité de rediriger les visiteurs vers les collections permanentes et pas seulement « de consommer l’événementiel ».

Laisser du temps et de la place aux œuvres

Cette année, changement de format pour les Siestes Electroniques. Regroupée sur un week-end afin d’éviter l’étalement du public, la programmation laissera plus de temps libre pour les visites. En dehors du festival, le musée privilégie, comme ses camarades parisiens, la forme nocturne pour ne pas importuner les autres visiteurs, mais aussi pour assurer une sécurité maximale du public et des œuvres.

Quatre-vingt dix décibels maximum pour éviter les vibrations néfastes pour les accrochages. Sachant qu’un concert d’électro dépasse facilement les cent décibels, les programmateurs frileux privilégient l’électro minimaliste. Ce n’est pas le cas au Victoria & Albert Museum à Londres. Un vendredi par mois depuis 1999, le son des platines fait vibrer le cœur de 5000 visiteurs par soir... et le lustre en verre de dix mètres de haut conçu par Dale Chihuly installé dans le hall, juste au dessus du DJ.

« L’équipe Contemporain du V&A a invité des musiciens électro dès le lancement des Friday Lates », affirme Ruth Lie, commissaire de ces nocturnes de 2010 à 2014. C’est elle qui a monté, il y a quatre ans, le partenariat entre le musée et Boiler Room : une plateforme qui diffuse en direct des DJ set sur internet. Le concept a été repris en France par Cercle qui a récemment retransmis des soirées du Petit Palais et de l’Institut du Monde Arabe.

Pas de rediffusion pour les Curieuses Nocturnes du Musée d’Orsay. En mars, le musée invite pour la première fois un musicien électro : Chapelier fou. Sur les réseaux sociaux, l’événement est bien plus partagé que les précédents. Le jour J, il faut faire la queue parmi les jeunes mondains pour entrer. « Il y avait à peine la place pour regarder les œuvres », se souvient un étudiant. Aux Siestes Electroniques, le public est plus disparate : il y a « ceux qui viennent pour le festival, pour les artistes, pour l’ethnomusicologie, ceux qui viennent parce que c’est devenu un « truc cool » et ceux qui viennent pour le musée », se réjouit Samuel Aubert. Si l’électro peut amener un nouveau public au musée, l’inverse est aussi possible.

Le Musée du quai Branly à l’heure des Siestes Electroniques en juillet 2016 | Raphael Pincas

Les Siestes Electroniques, 8 et 9 juillet au Théâtre de Verdure du Musée du quai Branly.