Huit militaires congolais ont été condamnés, jeudi 6 juillet, à de lourdes peines dans l’affaire d’une vidéo montrant un présumé massacre de civils par des soldats au Kasaï, dans le centre de la République démocratique du Congo (RDC), après un mois de procès.

Le tribunal militaire de Mbuji-Mayi jugeait au total 9 militaires : deux ont été condamnés à vingt ans de prison, trois à quinze ans, un à douze mois, a déclaré à l’AFP Me Jimmy Bashile, avocat de la défense.

Par ailleurs, deux militaires en fuite ont été condamnés par contumace à la prison à perpétuité, et le neuvième a été acquitté.

D’abord poursuivis pour « crimes de guerre »

Les militaires en fuite et ceux condamnés à vingt et quinze ans de prison ont été reconnus coupables de meurtre. Celui condamné à un an l’a été pour « non dénonciation de l’infraction commise par un agent militaire ».

Ces militaires étaient d’abord poursuivis pour « crimes de guerre » dans cette région où l’armée combat la rébellion Kamwina Nsapu, du nom du chef traditionnel tué en août 2016 par la police après s’être révolté contre les autorités de Kinshasa.

Ils ont été jugés dans l’affaire d’une vidéo supposée avoir été tournée dans le village de Mwanza-Lomba, dans le Kasaï-Oriental, montrant ce qui apparaît comme une scène de massacre par des militaires de civils armés de bâtons. La vidéo avait été largement partagée sur les réseaux sociaux. Le tribunal a ensuite abandonné la charge de « crimes de guerre » pour ne retenir notamment que l’infraction de « meurtre ».

Le Bureau conjoint de l’ONU aux droits de l’homme en RDC (BCNUDH) avait alors regretté l’absence de poursuite pour « crimes contre l’humanité » contre ces soldats, car cela aurait constitué « un signal fort en direction de tous ceux qui sont impliqués dans les violences au Kasaï ».

Deux experts onusiens assassinés

Depuis septembre 2016, quatre provinces du Kasaï sont secouées par des violences meurtrières qui impliquent des miliciens, des soldats et des policiers, ayant causé plus de 3 000 morts, selon l’Eglise catholique congolaise, et 1,3 million de déplacés selon l’ONU, qui y a dénombré 42 fosses communes. Kinshasa avait déclaré le 26 juin en avoir découvert 10 de plus.

En mars, deux experts onusiens – l’Américain Michael Sharp et la Suédo-Chilienne Zaïda Catalan – missionnés par le secrétaire général de l’ONU pour enquêter sur ces violences, ont été assassinés dans le Kasaï-Central. Le procès de leurs assassins présumés est en cours à Kananga, la capitale du Kasaï-Central.

L’ONU accuse les rebelles Kamwina Nsapu d’enrôler des enfants et d’avoir commis des atrocités, tout en dénonçant l’usage disproportionné et indiscriminé de la force par l’armée congolaise « ainsi que la mobilisation et l’armement des milices supplétives » par les autorités.

Inquiétude de la communauté internationale

Ces violences qui sèment la terreur parmi la population mettent à mal le pouvoir de Kinshasa, fragilisé par une crise politique liée au maintien au pouvoir du président Joseph Kabila au-delà du terme de son mandat qui a expiré depuis le 19 décembre 2016.

Depuis plusieurs mois, le conflit au Kasaï suscite l’inquiétude de la communauté internationale, dans un climat tendu avec la RDC qui refuse toute enquête internationale indépendante, réclamée par l’ONU comme par les ONG.

Mardi, un collectif d’ONG congolaises du Kasaï a accusé la communauté internationale et le gouvernement congolais de « légèreté » dans la gestion de cette crise sécuritaire et humanitaire au Kasaï.