Salles des marchés à Paris-la- Défense (92). | STEPHANE REMAEL POUR LE MONDE

Editorial du « Monde ». C’était il y a dix ans. En juillet 2007, la première onde de choc des subprimes, ces crédits immobiliers accordés à des Américains peu sol­vables, atteignait les marchés. Les banques, investisseurs et fonds spéculatifs commençaient tout juste à comprendre qu’ils avaient joué aux apprentis sorciers avec des produits financiers dont ils ne maîtrisaient pas la complexité. L’incendie n’allait pas tarder à se répandre dans le reste du monde, jusqu’au Brésil, en Chine et en Europe.

Une décennie plus tard, passé les plans de rigueur, les sommets d’urgence, les sauvetages bancaires et les récessions, la reprise est enfin là. La croissance de la zone euro est positive depuis seize trimestres. En 2017, elle devrait frôler les 2 %. Pourtant, nombre d’Européens, et en particulier de Français, n’ont pas le sentiment que la crise est terminée. Cela tient beaucoup au chômage encore élevé, notamment chez les jeunes. Cela tient aussi au sentiment que, depuis 2008, l’ascenseur social ne fonctionne plus, ou moins bien.

Mais il y a d’autres ombres au tableau. En économie comme en finance, on ne peut jamais affirmer que l’on est tiré d’affaires une bonne fois pour toutes. A peine la page d’une crise se tourne-t-elle que déjà les germes de la suivante se préparent. Ainsi la dérive des subprimes de 2007 fut-elle favorisée par la politique des taux bas instaurée auparavant par la Réserve fédérale… pour contrer l’explosion de la bulle Internet, en 2001.

La dette, encore et toujours

D’où le prochain krach viendra-t-il ? Quelles sont, parmi les « bombes à retardement » identifiées par les économistes, celles qui plongeront à nouveau l’économie mondiale dans la tourmente ? Par définition, il est impossible de le prédire. Mais ce ne sont pas les pistes qui manquent. Car, en dépit des « plus jamais ça » et des nouvelles régulations, les excès de la finance sont de retour. En témoigne l’euphorie régnant sur le monde du « leverage buy-out » (LBO, rachat avec effet de levier). S’ils se montrent plus prudents qu’en 2007 – mais pour combien de temps ? –, les fonds de ­capital-investissement, alliés aux banques, ont recommencé à racheter des entre­prises à tour de bras, en recourant massi­vement à la dette.

La dette, encore et toujours. Celle de l’ensemble du monde, publique et privée, est passée de 190 % à 230 % du produit intérieur brut entre 2001 et aujourd’hui. Aux Etats-Unis, les ménages ont renoué avec le crédit. Moins pour acheter des logements, comme avant la crise, que des voitures, ou pour payer des études. La dette étudiante a ainsi plus que doublé en dix ans, pour atteindre 1 300 milliards de dollars. En Chine, ce sont les entreprises qui ont multiplié par deux leur endettement depuis 2008 : il ­culmine aujourd’hui à 160 % du PIB. « Cette fois, c’est différent, entend-on dans les deux cas. Il y a des garanties. » Tout est sous ­contrôle, nous promet-on. Vraiment ?

La vaie question est de savoir si nos ­économies seront mieux préparées qu’en 2007 pour affronter le prochain choc. La zone euro, elle, a renforcé ses institutions. Mais sa croissance reste artificiellement soutenue par les aides de la Banque centrale européenne. Or, cette béquille n’est pas éternelle. Sans elle et si, entre-temps, les gouvernements n’ont pas retroussé leurs manches pour restaurer leurs marges de manœuvre (budgétaire, mais pas seulement), nos pays seront trop faibles pour faire face.