Après avoir remporté l’élection présidentielle le 7 mai puis les législatives le 18 juin, le chef de l’Etat entend continuer son entreprise de « transformation » de la vie politique. Dans son viseur : les élections sénatoriales, prévues le 24 septembre (170 sièges sur 348 seront renouvelés), mais surtout les européennes, qui doivent se tenir en mai 2019 en France, et les municipales, attendues en mars 2020. Avant, en toute hypothèse, de briguer un second mandat en 2022.

S’il a réussi à conquérir l’Elysée sur une démarche personnelle, Emmanuel Macron sait que les élections intermédiaires représentent un autre type de défi, qui nécessite de détecter et de former des milliers de candidats. Pour cela, il a besoin d’En marche !, le parti créé en avril 2016 autour de sa personne – rebaptisé depuis La République en marche (LRM) –, qu’il doit transformer en machine à emporter les scrutins. C’est l’objet de la première convention du mouvement, qui devait se tenir samedi 8 juillet à Paris. Si M. Macron ne devait pas y participer, un discours devait y être prononcé en fin d’après-midi par le premier ministre Edouard Philippe.

Parti de rien il y a un peu plus d’un an, le mouvement LRM possède déjà une importante force de frappe. Le parti présidentiel revendique quelque 373 000 adhérents (l’inscription est gratuite) et plus de 3 200 comités locaux. « Près de 100 000 personnes ont adhéré depuis l’élection d’Emmanuel Macron, la dynamique ne faiblit pas », se réjouit une cadre du mouvement, présidé – par intérim – depuis mai par Catherine Barbaroux, une spécialiste des ressources humaines qui a travaillé un temps avec Martine Aubry.

20,5 millions par an

Côté finances, 15 millions d’euros de dons ont été engrangés lors de la campagne. « Plus de 32 000 personnes ont versé de l’argent, les deux tiers moins de 60 euros », assure-t-on chez LRM, qui a déposé ses comptes de campagne le 6 juillet. De quoi voir venir en attendant de toucher les premières subventions publiques, versées à chaque parti en fonction de ses résultats aux élections. Grâce à sa razzia aux législatives, le mouvement macroniste devrait percevoir 20,5 millions d’euros par an à partir de juin 2018.

Passé l’euphorie de la victoire, Emmanuel Macron et ses proches se sont interrogés sur la meilleure façon de prolonger l’enthousiasme généré par la campagne. Les comités locaux ont également été invités à plancher sur l’avenir du mouvement. Quelque 1 500 d’entre eux ont envoyé une contribution. Leur obsession : éviter de devenir un parti comme les autres et rester « une organisation ouverte, collective, citoyenne et paritaire », selon un document interne consulté par Le Monde. « En marche ! a créé quelque chose, a réussi à intéresser un nouveau public à la politique, il faut préserver cela », estime Arnaud Leroy, ancien député et proche du chef de l’Etat.

Les nouveaux statuts du mouvement devaient être présentés samedi aux responsables locaux de LRM, appelés « référents », avant d’être soumis au vote des adhérents fin juillet. Ceux-ci prévoient notamment une direction collégiale, baptisée « bureau exécutif », et non plus un seul chef, pour éviter une trop forte personnalisation. « C’est aussi un moyen de rappeler qu’il n’y a qu’une tête qui dépasse, celle de Macron », s’amuse un élu. Les membres de ce bureau, au nombre d’une trentaine, dont dix viendront de la société civile, seront désignés pour trois ans et ne pourront pas effectuer plus de trois mandats de suite.

Un ou plusieurs « délégués généraux », chargés de représenter le mouvement, devraient être également nommés, mais pas avant l’automne. Elus par le « conseil », sorte de parlement qui réunira « l’ensemble des parlementaires, des représentants des territoires (élus et référents territoriaux) ainsi que pour 20 % (…) des adhérents tirés au sort », ces délégués auront la charge d’animer le parti mais ne pourront pas effectuer plus de deux mandats de trois ans chacun. « Les référents locaux ne pourront pas non plus avoir de mandat électif, pour éviter que ne se créent des baronnies locales », détaille l’avocat Jean-Pierre Mignard, qui a participé à la rédaction des nouveaux statuts.

Si l’adhésion restera gratuite, seuls les membres de LRM ayant une certaine ancienneté pourront voter lors des consultations du mouvement. Afin de « représenter toutes les sensibilités politiques en son sein », l’appartenance à un autre parti politique sera toujours possible, à la condition qu’il « porte les valeurs républicaines ». Et la parité sera mise en œuvre partout, notamment au sein du bureau exécutif, promet le mouvement.

Reste à savoir quelle sera la réelle autonomie de LRM vis-à-vis du chef de l’Etat. « En devenant le parti du président, il y a le risque de devenir le parti godillot. Nous, ce qu’on veut, c’est garder la vitalité qui a porté le programme d’Emmanuel Macron », avait insisté Mme Barbaroux lors de sa nomination à la tête du mouvement. « La révolution citoyenne, la pyramide inversée, tout ça, c’est positif, assure un bon connaisseur des arcanes de LRM. Mais rien ne se fera sans Macron, soyez-en persuadé. »