Photographie officielle du président de la République, Emmanuel Macron, le 26 juin. | Soazig de la Moissonniere / AP

La photo, diffusée en exclusivité sur les réseaux sociaux, jeudi 29 juin, a largement animé le petit monde de Twitter et les sites de la presse : le portrait officiel d’Emmanuel Macron en tant que président de la ­République a commencé sa carrière en ligne, avant d’orner, dans les prochains jours, les mairies de France. Pose, lieu, objets sur le bureau, orchestration de la mise en scène, chaque aspect du cliché officiel a été passé au crible par les journalistes, professionnels du marketing, commentateurs politiques et simples citoyens.

Certes, le cliché s’y prête : dans une ­communication savamment étudiée, l’Elysée a glissé dans l’image une foule de détails pour nourrir la curiosité du public. Mais ce qui n’avait peut-être pas été prévu, c’est que l’image contient bien plus d’informations que celles qui sautent aux yeux : comme tout cliché, la photographie officielle diffusée ­embarque avec elle une grande quantité de métadonnées, des informations enregistrées automatiquement et destinées avant tout à décrire le « contenant ».

Informations cachées

Coordonnées GPS de l’endroit où la photo a été prise, heure du cliché, heure des modifications : autant d’indications invisibles à l’œil nu, mais accessibles avec n’importe quel ­logiciel de retouche d’images. Or, et c’est là tout leur intérêt, ces métadonnées racontent une histoire sensiblement différente de celle que présente la photographie officielle. La pose presque nonchalante appuyée au ­bureau, le discours officiel d’une photo prise « à la ­va-vite », d’un président qui n’aime pas ­poser ? Les coulisses numériques montrent que l’image a été retouchée durant trois jours avec Photoshop, jusqu’au dernier moment. L’horloge, sur le bureau, qui semble indiquer 8 h 20 ? Le cliché semble, en réalité, a été pris à 21 heures 14 minutes et 8 secondes – oui, les métadonnées sont précises.

Ces informations cachées ne révèlent aucun scoop, aucun secret d’Etat. Mais elles montrent une réalité, disent une certaine vérité objective – et plus encore lorsqu’elles sont en grand nombre. Il en va de même dans ­notre vie quotidienne, durant laquelle nous produisons tous ces traces numériques de ­manière industrielle. Les métadonnées d’un mail disent quand et avec qui nous parlons, celles d’un appel téléphonique donnent la durée de la conversation, celles d’un message Twitter ou Facebook l’adresse IP utilisée par notre ordinateur ou notre téléphone…

Système ­secret de surveillance des métadonnées

Mises bout à bout, ces informations ­dessinent un portrait chinois de chacun ­d’entre nous qui peut parfois révéler des ­informations très personnelles. Pour prendre un exemple simple, savoir que vous appelez régulièrement le numéro d’un cardiologue n’est pas une information anodine, même si l’on ne connaît pas le contenu de vos ­conversations. La NSA, la toute puissante agence de renseignement américaine, ne s’y est pas trompée : dans ses documents internes, révélés par le lanceur d’alerte ­Edward Snowden, elle décrit son système ­secret de surveillance des métadonnées comme étant son « outil le plus utile ».

Dans certains cas, il est pourtant facile de supprimer les métadonnées – particulièrement sur une photographie. Si l’on peut se réjouir que la photographie officielle du président de la République, bien que mise en scène, ait gardé cette forme de transparence, le chef de l’Etat avait donc le choix. Les ­internautes, dont les données sont stockées chaque jour par les agences de sécurité et les publicitaires – le plus souvent au mépris de la loi –, l’ont, eux, beaucoup moins.