Le projet Hope est à l’image de sa représentante. Un peu timide mais plein de perspectives d’avenir. A 23 ans, la Camerounaise Evelyne-Inès Ntonga est cofondatrice de la première plateforme d’application mobile en Afrique d’information sur le don de sang et de mise en réseau des structures de transfusion avec des donneurs bénévoles.

C’est sur les bancs de l’Ecole supérieure multinationale de télécommunication de Dakar, en 2014, qu’Evelyne-Inès croise Jean-Luc Semedo. Alors encore étudiants, tous deux sensibles à la problématique de la pénurie de sang qui sévit sur le continent, ils décident de se lancer dans le projet Hope.

Présentation de notre série : L’e-santé, le grand espoir de l’Afrique

De sourires en confidences, ils se rejoignent dans le récit de leurs histoires passées. Evelyne-Inès se souvient d’une de ses camarades de classe qui décède brutalement d’une leucémie faute de transfusion sanguine : « Dans mon pays, je n’avais jamais entendu parler de don du sang avant. » Jean-Luc, lui, a été victime adolescent d’un accident sur la voie publique. Il y a survécu grâce à un don du sang anonyme. Une pratique répandue mais pas généralisée. « Souvent quand quelqu’un a besoin de sang en urgence, la famille vient avec le malade à l’hôpital dans l’espoir que l’un d’entre eux sera compatible », précise Evelyne-Inès. A force d’échanges, l’idée commence à germer.

En 2015, ils se rapprochent de l’Institut national de transfusion sanguine de Dakar. « C’était juste une idée, qu’on a essayé de faire grandir. On a pris un peu de confiance au fil des congrès et des récompenses, et d’après les retours qu’on a eus, le projet répond à un réel besoin de la population », se souvient Jean-Luc. Ils développent leur plateforme en moins de deux ans. Avec à cœur la lutte contre la mortalité maternelle. C’est dans ce cadre qu’ils sont primés par la Fondation française Pierre-Fabre en juillet 2017 après avoir déjà été distingués au Sénégal en 2015.

Un message pour remercier les donneurs

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Unicef, une femme meurt chaque minute dans le monde en donnant la vie, en grande partie à cause d’hémorragies. Au-delà de la promotion du don du sang, leur application permet de lancer des appels pour des urgences en plusieurs langues locales, par texto ou par messagerie vocale. « L’idée est aussi de penser à remercier les donneurs, une chose essentielle. » Elle affirme que cela permet de créer du lien, utile pour pouvoir relancer le donneur pour un don ultérieur.

La phase pilote est lancée progressivement en 2016. Les deux promoteurs assurent avoir aujourd’hui 30 000 utilisateurs, soit plus que le nombre annuel de donneurs au centre de la capitale sénégalaise. Ils revendiquent avoir triplé le nombre de dons de sang à Dakar en un peu plus d’une année. Des résultats spectaculaires qui suscitent la fierté des parents d’Evelyne-Inès. Sa mère, technicienne de laboratoire au Centre Pasteur de Yaoundé et son père, ingénieur en nutrition au ministère de la santé du Cameroun avouent à demi-mot leur espoir de voir l’application se développer dans leur pays.

Si le succès de la phase pilote est partagé, la pérennisation de la plateforme semble plus compliquée. Evelyne-Inès et Jean-Luc espèrent pouvoir la financer grâce à une redevance payée par les centres de transfusion ou par des subventions. Même si le projet attire l’attention et cumule les prix d’innovation, « il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir, nous avons besoin de partenaires » pour aider leur start-up, Diambers Mobile, qui travaille déjà à d’autres projets à fort impact social. Le prix de la Fondation Pierre-Fabre qui comprend un accompagnement du projet durant un an, une aide financière et différents services de développement (communication, études, web design) sera sûrement déterminant.

Sommaire de notre série L’e-santé, le grand espoir de l’Afrique

Présentation de notre série : L’e-santé, le grand espoir de l’Afrique

Le Monde Afrique propose une minisérie qui présente quatre projets numériques primés par la Fondation Pierre-Fabre et développés en Ethiopie, au Sénégal et au Botwana.

En l’état, le projet Hope pourrait déjà servir d’exemple à bien des pays, dont la France, actuellement en pénurie de sang. Malgré les difficultés, il continue d’attirer l’attention. Y compris de l’autre coté de l’Atlantique. Le Canada vient de payer une bourse de mobilité à la start-up pour étudier la faisabilité d’un développement en Amérique. Jean-Luc s’y rendra. De son coté, Evelyne-Inès se projette plutôt en Afrique, même si elle ne se ferme aucune porte. Quant à son avenir ? « Je ne sais pas trop mais j’aimerais bien rentrer au Cameroun », avoue-t-elle dans un grand sourire radieux. Un retour qui ferait doublement la fierté de ses parents.