Le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé, samedi 8 juillet, une réforme du compte pénibilité, prévue pour entrer en vigueur en 2018. Mis en place par étapes depuis 2015, ce compte permet aux salariés du privé occupant un poste pénible de cumuler des points, selon des critères établis, afin de partir plus tôt à la retraite, se former ou travailler à temps partiel sans perte de salaire.

La nouvelle version proposée par le gouvernement se veut un compromis entre les positions de la CFDT et du patronat, très hostile à cette mesure. Elle hérite pour l’occasion d’un nouveau nom, « compte professionnel de prévention », amputé du mot « pénibilité ».

  • Six critères maintenus

Six critères établis demeurent dans la réforme proposée par le gouvernement.

Travail de nuit : à partir d’une heure travaillée entre minuit et 5 heures pendant au moins 120 nuits par an.
Travail répétitif : au moins 900 heures par an de travail « caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte ».
Travail en horaires alternants : au moins 50 nuits par an, avec au moins une heure de travail entre minuit et 5 heures.
Travail en milieu hyperbare : 60 interventions ou travaux par an dans un milieu dépassant 1 200 hectopascals.
Bruit : exposition à un bruit quotidien d’au moins 81 décibels pendant 600 heures par an ou à des bruits brefs et répétés d’au moins 135 décibels 120 fois par an.
Températures extrêmes : exposition au moins 900 heures par an à des températures égales ou inférieures à 5 °C ou égales ou supérieures à 30 °C.

  • Quatre critères modifiés

Dans la nouvelle mouture, quatre critères sont modifiés. Il s’agit des points les plus décriés par le patronat, qui les juge difficilement mesurables et donc inapplicables. Les quatre critères suivants sortiront donc du compte à points :

Manutention de charges lourdes : il s’agit notamment, pendant 600 heures par an, de lever ou porter des charges de 15 kg ou plus, de pousser ou de tirer des charges de 250 kg ou plus, de se déplacer avec une charge de 10 kg ou plus.
Postures pénibles : il s’agit notamment, pendant au moins 900 heures par an, du « maintien des bras en l’air à une hauteur située au-dessus des épaules » ou des « positions accroupies ».
Vibrations mécaniques : il s’agit, pendant au moins 450 heures par an, de vibrations transmises aux mains, aux bras, ou à tout le corps.
Risques chimiques : c’est l’exposition à un agent chimique dangereux à un seuil défini selon les cas par un arrêté du ministère du travail ou de la santé.

Les employés exposés à ces risques pourront encore bénéficier d’un départ anticipé à la retraite, mais seulement quand « une maladie professionnelle a été reconnue » et quand « le taux d’incapacité permanente excède 10 % », selon la lettre du premier ministre envoyée aux principales organisations syndicales et patronales. « Une visite médicale de fin de carrière permettra à ces personnes de faire valoir leurs droits », selon le courrier.

« Dès l’année prochaine, les examens médicaux vont permettre à 10 000 personnes de partir à la retraite deux ans avant, tout en libérant les PME d’une contrainte administrative », a pour sa part souligné la ministre du travail, Muriel Pénicaud, dimanche.

  • Mode de financement révisé

Edouard Philippe propose également de modifier le mode de financement du dispositif. Les cotisations spécifiques instituées lors de la création du compte pénibilité doivent être supprimées et remplacées par un financement mis en place dans le cadre de la branche « accidents du travail et maladies professionnelles » de la Sécurité sociale.

Le premier ministre souhaite aussi que branches et entreprises engagent des négociations relatives à la prévention de la pénibilité.

  • Le satisfecit du Medef

Le Medef a estimé dans un communiqué que « le pragmatisme semble avoir prévalu ». Sur « le nouveau mode de financement annoncé », l’organisation patronale dit qu’elle « restera très vigilante et ne comprendrait pas que les efforts (…) en matière de prévention par les entreprises ne soient pas pris en compte d’une façon ou d’une autre ».

Le Medef « fonde l’espoir, si la solution annoncée se concrétise rapidement et se traduit bien par une simplification et une disparition des coûts qu’elles supportaient, que les entreprises puissent dorénavant de façon sereine poursuivre dans la voie de la prévention pour nos salariés ».

De son côté, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) explique aussi qu’elle « ne peut que se réjouir que le pragmatisme ait pris le pas sur le dogmatisme », mais note qu’il « conviendra de rester vigilant sur la mise en œuvre opérationnelle de ces annonces ».

  • Protestations chez les syndicats

La réforme annoncée a été critiquée par plusieurs personnalités de gauche et des organisations syndicales. « La pénibilité est une question importante et il y a besoin de renforcer la prévention et la réparation, et non pas d’être au garde-à-vous quand M. Gattaz [le patron du Medef] réclame la suppression du compte pénibilité », a déploré Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT.

Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière, a qualifié de « mesquine » la suppression de la « toute petite cotisation patronale qui existait ». « Ce serait logique qu’il y ait un financement par les entreprises », a-t-il estimé.

La pénibilité est « l’un des dossiers sociaux les plus sensibles, a commenté l’UNSA, c’est celui qui touche à la pire des inégalités, celle dans laquelle la contrepartie de son travail se paie d’une partie de sa durée de vie ou de sa santé ». Or, en choisissant « de fragiliser le fondement d’un dispositif et sa pérennité, le gouvernement fait preuve d’une injustice profonde, choquante aux plans social et moral ».

Par ailleurs, citant notamment la suppression de quatre critères, l’ancien candidat PS à la présidentielle, Benoît Hamon, a déclaré, dimanche, que « le gouvernement est doux à l’égard des marchés financiers, et, dans le même temps, dans un même souffle, il est dur vis à vis de millions de Français ».