Quel est l’état de Vincent Lambert ? La question était à nouveau posée, lundi 10 juillet, devant le Conseil d’Etat. Voilà bientôt neuf ans que depuis un accident de la route cet homme de 40 ans est plongé dans un état végétatif. En 2015, la plus haute juridiction administrative avait pourtant jugé légale la décision prise par le docteur Eric Kariger, son médecin à l’époque, d’arrêter l’hydratation et l’alimentation qui le maintiennent en vie. La Cour européenne des droits de l’homme était allée dans le même sens. Mais depuis, le docteur Kariger a démissionné, tout comme sa successeure, Daniela Simon.

« Quel paradoxe !, a plaidé Madeleine Munier-Apaire, l’avocate de François Lambert, le neveu de Vincent, qui estime son oncle victime d’acharnement thérapeutique. Nous sommes à plus 1 107 jours depuis la décision de janvier 2014 [prise par M. Kariger à l’issue d’une procédure collégiale], qui consacrait le droit de Vincent Lambert à ne pas subir d’obstination déraisonnable. Et depuis, rien. Nous sommes dans une impasse. Aucune évolution favorable de son état n’est constatée. Vincent est toujours seul, sa volonté a été oubliée. » Selon son épouse Rachel, Vincent Lambert avait fait part de sa volonté de ne pas être maintenu en vie artificiellement.

« L’état de Vincent n’est plus le même qu’il y a deux ans, a au contraire soutenu Claire Le Bret-Desaché au nom des parents de Vincent Lambert, qui voient en lui un handicapé devant être rééduqué et disent être présents quotidiennement à son chevet. Il a récupéré le réflexe de déglutition. C’est un élément nouveau très important. »

Décision mise en délibéré

Le Conseil d’Etat est à nouveau saisi à la fois par les parents de M. Lambert et son neveu. Les deux parties contestent un arrêt rendu le 16 juin 2016 par la cour administrative d’appel de Nancy, qui enjoignait au centre hospitalier de Reims de donner au médecin chargé du suivi du patient « les moyens de poursuivre le processus de consultation » pouvant mener à l’arrêt des soins. Les parents le contestent sur le fond. François Lambert dénonce au contraire « l’inertie » de l’hôpital et souhaite voir l’arrêt appliqué sous peine d’astreinte financière.

Selon le rapporteur public du Conseil d’Etat, Xavier Domino, c’est le médecin chargé du patient qui doit le cas échéant prendre la décision d’arrêter des traitements à l’issue d’une procédure collégiale. Il ne peut appliquer la décision prise par un autre – en l’occurrence le docteur Kariger. Appelant à rejeter le pourvoi des parents de Vincent Lambert, M. Domino a, en outre, estimé que la cour d’appel de Nancy avait bien fait de juger illégale la suspension de la seconde procédure collégiale lancée par Mme Simon en 2015 et interrompue quinze jours plus tard, car les « conditions de sérénité et de sécurité nécessaires à sa poursuite n’étaient pas réunies », allusion aux déchirements de la famille et au soutien de groupes pro-vie aux parents du patient.

« Le critère sur lequel le médecin doit in fine prendre sa décision n’est pas celui de l’existence d’un consensus, a argumenté M. Domino. C’est la réponse à la question de savoir si la poursuite d’actes traduit une obstination déraisonnable à laquelle la personne malade ne consentirait pas. » En outre, « les craintes relatives à la sécurité des malades et du personnel (…) ne peuvent conduire à différer indéfiniment une décision », a-t-il ajouté.

Le haut magistrat n’a cependant pas estimé nécessaire de contraindre l’hôpital à appliquer l’arrêt de Nancy sous peine d’astreinte, l’instruction ayant montré que toutes les mesures nécessaires avaient déjà été prises. Si son avis est suivi, c’est donc sur le troisième médecin chargé du suivi de Vincent Lambert que reposera la décision de commencer ou non une nouvelle procédure en vue d’arrêter les traitements. La décision a été mise en délibéré.