Patrick Bernasconi reste zen. Le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), élu le 1er décembre 2015, est soulagé par le grand chamboule-tout institutionnel décidé, le 3 juillet, par Emmanuel Macron qui va conduire à revoir « de fond en comble les règles de la représentativité » de l’assemblée de la société civile. Et à réduire d’un tiers le nombre de ses membres, actuellement 233. M. Bernasconi, qui s’inquiétait des velléités de plusieurs candidats à l’Elysée de mise à mort du CESE, voit dans la refondation annoncée par le président de la République la chance d’un nouvel élan pour une chambre encore trop souvent inaudible. « Il va falloir bâtir une assemblée plus représentative avec moins de monde, indique-t-il au Monde. J’ai toujours trouvé qu’il manquait des briques. » Mardi 11 juillet, le premier ministre, Edouard Philippe, ouvrira la première conférence annuelle du CESE. Des assises de la société civile qui tombent à pic.

L’idée d’une telle conférence a été lancée, le 3 mars, par M. Bernasconi, afin d’élaborer une « feuille de route » destinée à « définir les sujets majeurs qui préoccupent notre société et qui doivent faire l’objet d’une action des pouvoirs publics ». « Représentation nationale et corps intermédiaires sont comme les deux jambes qui permettent la marche », avait lancé l’ancien vice-président du Medef dans une allusion à peine voilée à celui qui était encore le candidat d’En marche ! Le président du CESE voulait aussi saisir cette occasion pour affirmer l’utilité d’une assemblée, souvent décriée, qu’il aime présenter comme « une petite France ». Avec ses neuf sections, le CESE a produit en 2016, selon son rapport d’activité, 25 avis, neuf d’entre eux ayant nourri des projets de loi. « Les deux tiers de nos 700 préconisations, assure M. Bernasconi, ont eu des suites législatives. »

« Cohésion sociale »

Lors de cette conférence annuelle, les 11 et 12 juillet, le CESE se dotera d’une « feuille de route » qui définira, grâce aux travaux des sections, des « axes de travail prioritaires pour la société civile ». M. Bernasconi veut mettre l’accent sur « la cohésion sociale et la réussite des transitions ». La quasi-totalité des numéros un des 61 organisations qui siègent au palais d’Iéna seront présents, à l’exception de Pierre Gattaz (Medef), retenu sur les routes du Tour de France, Philippe Martinez (CGT) et Jean-Claude Mailly (FO). Les assises seront clôturées par Christophe Castaner, secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement.

L’ombre de la réforme, qui inquiète certains conseillers, notamment des syndicalistes – la CGT soupçonne M. Macron de vouloir faire du CESE « un relais du gouvernement » –, planera sur les travaux. Lorsque le président du CESE a été reçu par le chef de l’Etat, avant son discours devant le Congrès, ce dernier lui a fait part de son souhait d’élargir la représentativité de l’assemblée sans lui donner de détails sur la configuration de cette « chambre du futur » qui doit devenir à ses yeux « le carrefour des consultations publiques » et le « forum de la République ».

Lors de la campagne présidentielle, M. Macron, contrairement à d’autres candidats, n’avait pas rencontré le bureau du CESE. Mais le 22 novembre 2011, encore gérant chez Rothschild, il avait été auditionné au palais d’Iéna. Insistant sur son « rôle de prospective », il avait estimé que la troisième assemblée de la République avait « vocation, en plus de la représentation politique, à précisément donner un cadre au dialogue, au débat social sur des problématiques de long terme ».

M. Bernasconi, qui a prévu un séminaire de son bureau et des présidents de groupes et de sections en septembre, veut contribuer à la refondation de son assemblée pour en faire « un trait d’union entre le politique et le citoyen ». La révision constitutionnelle de 2008 – entrée en vigueur en 2010 – avait déjà changé le visage du CESE avec le renforcement des associations de jeunesse et l’entrée de 33 membres « au titre de la protection de la nature et de l’environnement ». La réforme Macron va, en même temps, réduire d’un tiers le nombre de conseillers, soit 77 ou 78 de moins, et faire entrer de nouveaux venus. M. Bernasconi évoque les associations de seniors et l’économie numérique. Mais le bloc des 40 personnalités qualifiées, désignées par le président de la République, risque d’être sérieusement amputé. Lors de sa dernière « promotion », le 5 novembre 2015, François Hollande avait privilégié la société civile avec le souci de ne plus utiliser le CESE pour procéder à « un plan social des recalés du suffrage universel ».