C’est une petite révolution qui se joue actuellement aux Etats-Unis. Ivanka Trump, dont l’influence auprès de son père n’est plus à prouver, porte actuellement un projet de congé maternité : 8 semaines de repos, payées à 70 % du salaire et entièrement financé par les Etats. Budget prévu : 18 milliards de dollars (soit 15,7 milliards d’euros) sur dix ans, de quoi faire grincer des dents dans le camp républicain. Si le projet de loi venait à passer, ce serait le tout premier congé maternité payé à voir le jour aux Etats-Unis, à l’exception de ceux déjà mis en place par quelques Etats en pointe comme la Californie, le New Jersey, Rhode Island et New York.

Aujourd’hui, 12 semaines non payées

A l’heure actuelle, le Federal Family and Medical Leave Act autorise 12 semaines… non payées, pour les salariés d’entreprises de plus de 50 employés. Une mesure bien loin de la norme mondiale et des recommandations de l’Organisation internationale du travail (OIT). En 2002, la convention n° 183 de l’OIT sur la protection de la maternité est entrée en vigueur. Depuis cette date, l’ensemble des pays membres des Nations unies (ONU) se doivent d’observer les règles établies par l’Organisation en la matière et, si possible, respecter les recommandations additionnelles. Tour d’horizon du congé maternité à travers le monde.

  • Les pays d’Europe de l’Est, champions de la durée du congé

La convention de l’OIT prévoit un congé maternité de minimum 14 semaines mais conseille une durée de 18 semaines. Sur les 185 pays étudiés par l’OIT, 98 d’entre eux respectent le minimum de 14 semaines. Parmi eux, 42 dépassent même la recommandation des 18 semaines. En revanche, 27 pays dans le monde accordent moins de 12 semaines de congé.

En comparant les régions du monde, on constate que c’est en Europe de l’Est que les pays proposent les plus longs congés. En Bulgarie, les femmes ont droit à 32 semaines, 28 semaines en Slovaquie et 20 semaines en Russie… et jusqu’à un an en Bosnie-Herzégovine. Ces mesures sont le fruit des fortes politiques natalistes installées par l’URSS en son temps et conservées depuis.

Les législations d’Europe occidentale sont également avantageuses : en France, en Espagne et au Luxembourg, 16 semaines sont accordées aux femmes. En Italie, les femmes doivent obligatoirement prendre 5 mois de repos (2 mois avant l’accouchement, 3 mois après). En revanche, les femmes sont moins bien loties au Moyen-Orient. 92 % des pays de cette région accordent un congé maternité inférieur à 12 semaines. Avant la guerre civile, la Syrie était le seul pays de la région à atteindre la norme établie par la convention avec 17 semaines de congés payés. L’Arabie saoudite et le Bahreïn n’offrent, pour leur part, que 6 semaines rémunérées.

  • Le financement : encore des progrès à faire

Pas de congé maternité payé : la Papouasie… et les Etats-Unis

Dans le monde, seuls deux pays ne proposent pas de congé maternité payé : la Papouasie-Nouvelle-Guinée… et les Etats-Unis. Pourtant, l’OIT impose dans la convention de norme à respecter en matière de rémunération :

« Les prestations en espèces doivent être établies à un niveau tel que la femme puisse subvenir à son entretien et à celui de son enfant dans de bonnes conditions de santé et selon un niveau de vie convenable. »

Au-delà de cette première convention, elle recommande vivement de verser un montant égal au salaire de la mère avant son départ. Le but : garantir la sécurité financière pendant la période de convalescence. Sur l’ensemble des pays, 45 % donnent au moins deux tiers de la rémunération antérieure. Mais dans plus de la moitié des cas, les femmes sont payées moins que les deux tiers de leur salaire. Dans ce domaine encore, l’ensemble des pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale respectent la convention de l’OIT et vont même au-delà pour une grande majorité d’entre eux (88 %).

En France, égal au salaire des 3 derniers mois

La législation française impose une rémunération égale au salaire des 3 derniers mois, tout comme en Espagne, en Allemagne, en Russie ou au Mali. En matière de compensation financière, les pays du Moyen-Orient sont là aussi en dessous du standard international. Enfin, sur les 34 pays d’Amérique latine étudiés, 7 d’entre eux rémunèrent à 100 % pendant au moins 14 semaines (le Belize, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, Cuba, le Panama et le Venezuela).

Au-delà du montant de cette rémunération, l’OIT a également fixé des règles quant au système de financement en lui-même. Pour éviter toute discrimination sur le marché du travail, l’organisation prévoit que ces prestations soient assurées par « une assurance sociale obligatoire ou par prélèvement sur des fonds publics ou d’une manière déterminée par la législation et la pratique nationales. » En effet, attribuer l’entière responsabilité pécuniaire de cette aide aux employeurs représente un frein considérable dans l’embauche d’une femme. Ainsi, pour 58 % des pays étudiés, c’est l’Etat qui assume cette dépense. Dans 16 % des cas c’est un système mixte et, malgré la convention de l’OIT, 25 % des pays laissent les employeurs prendre en charge la totalité de la compensation pendant le congé.

C’est au Moyen-Orient qu’on confie le plus cette compétence aux entreprises : seuls 8 % des pays de la région ont un système de financement public pour le congé maternité. À l’opposé, c’est bien l’Etat qui se charge de ces dépenses dans tous les pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, tout comme dans la plupart des pays d’Europe occidentale. Parmi nos voisins européens les plus proches, seuls l’Allemagne et le Royaume Uni ont mis en place un système mixte.

  • Droit de retour à l’emploi : l’Amérique latine en avance

Afin de garantir la place des femmes au sein du marché du travail, l’OIT exige des Etats un droit de retour à l’emploi inscrit dans les législations nationales : « A l’issue du congé de maternité, la femme doit être assurée, lorsqu’elle reprend le travail, de retrouver le même poste ou un poste équivalent rémunéré au même taux. » Cette garantie vise à empêcher les discriminations mais également les licenciements abusifs. En 2013, 44 % des pays certifiaient un retour à l’emploi à la même position précédent le congé. Pour tous les autres (56 %), aucune garantie n’est prévue.

Aux Etats-Unis, l’employeur peut refuser de réintégrer une employée

Dans le domaine, toutes les régions du monde ont encore beaucoup à faire. À l’heure actuelle, c’est les pays d’Amérique latine et des Caraïbes qui garantissent le mieux ce droit de retour à l’emploi (72 % d’entre eux). En Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, c’est le constat inverse : pas d’engagement en ce sens dans la très grande majorité des pays. Quant aux économies développées, encore 39 % des pays étudiés n’assurent pas ce droit. Aux Etats-Unis par exemple, si l’entreprise traverse des difficultés financières lors du retour du salarié, l’employeur peut refuser de le réintégrer. Il lui faudra alors prouver que les conséquences sur son bilan comptable sont « considérables » et « graves ».

A la lumière de ces informations, le projet d’Ivanka Trump ne réunit pas un grand nombre de conditions pourtant imposées par l’OIT. C’est d’ailleurs pour cette raison que des associations américaines dénoncent depuis plusieurs semaines ce plan bien trop lacunaire à leur goût. Plus problématique encore : le financement du congé se ferait au détriment de programmes tel que l’assurance maladie Medicaid ou celui des coupons alimentaires, pourtant indispensables à des millions d’Américains.