Documentaire sur LCP à 0 h 30

Ils sont invisibles parce que la ville préfère fermer les yeux. Autour de la gare Saint-Charles de Marseille, pourtant, la caméra de Rachid Oujdi a su débusquer les nouveaux enfants des rues. Ceux qui n’ont même pas un sac de couchage, parce qu’ils débarquent ici sans bagage, hagards après avoir traversé deux, trois ou six pays. On les appelle les « MIE ». Ces « mineurs isolés étrangers » seraient 8 000 en France. Le réalisateur de ce Récit d’une jeunesse exilée a suivi un petit groupe, les a vus se présenter au Service d’accueil et d’accompagnement des mineurs étrangers non accompagnés et en repartir souvent sans solution.

Sans fioritures ni sanglots, celui qui avait déjà raconté les chibanis, ces travailleurs immigrés maghrébins retraités (Perdus entre deux rives, les chibanis oubliés, 2014), com­me des hommes entre deux mondes, raconte ces gamins en souffrance. Tous ressentent combien il est dur d’arriver en France seuls, en 2017, quand on a 13 ou 15 ans ; combien la rue est dangereuse pour eux, proies si faciles des réseaux.

Révolte citoyenne

Ils s’appellent Omar, ou Roméo, viennent d’Afghanistan ou d’Afrique et se retrouvent dehors dans ce pays qu’ils croyaient accueil­lant. Les images sont belles comme est belle l’éternelle Marseille, mais, pour eux, elles sont dures, comme sont durs l’exclusion, la faim, le froid, le manque de sommeil. S’ils redeviennent parfois des enfants l’espace d’un instant, souriant aux chanceux qui ont trouvé place dans la grande roue du Vieux-Port, ou se réjouissent de ceux qui sont au chaud dans le monde de la consommation de l’autre côté des vitrines, leur enfance est une longue blessure que Rachid Oujdi effleure, donnant à réfléchir sur ce que signifie aujourd’hui avoir signé la Convention des droits de l’enfant.

Récit d'une jeunesse exilée │Extrait 1

Engagé, ce documentaire inclut aussi la révolte citoyenne de ceux qui se heurtent au mur de l’administration. Le médecin, l’éducateur… tous arrivent à la même conclusion : seule une mobilisation citoyenne pourra permettre d’héberger les quelques dizaines d’enfants que l’administration n’a pas prévu de mettre à l’abri. Pourquoi celle-ci pousse-t-elle à « agir aux marges », s’interroge l’un d’eux ? S’il n’apporte pas de réponse, le beau travail de Rachid Oujdi a le mérite de poser la question.

Récit d’une jeunesse exilée, j’ai marché jusqu’à vous, de Rachid Oujdi (Fr. 2016, 55 min).