« Imaginez en France que Monica Belluci vous passe un coup de téléphone pour vous rappeler que vous avez rendez-vous chez le médecin ! » C’est ainsi que le projet Karangé a été présenté début juillet par l’animateur de l’Observatoire de l’e-santé dans les pays du Sud (Odess). Et c’est bien le pari de Mamadou Sall et de son associé : utiliser des voix d’icônes du pays pour porter leur message de santé publique sur la vaccination et sur le suivi des femmes enceintes.

Présentation de notre série : L’e-santé, le grand espoir de l’Afrique

Au Sénégal, les mères reçoivent des appels de Baba Maal, Simon Séné, Marie Ngoné, Al-Hadji Ndiaye et bien d’autres. « Le contexte culturel est très important pour véhiculer ce type de message. Ces personnes connues sont les mieux placées pour transmettre ces informations. Ce sont de réels porteurs de voix », insiste M. Sall. Le choix d’appels par messages pré-enregistrés est pragmatique : « Beaucoup de femmes sont analphabètes, notamment en zones rurales. » La voix plus puissante que l’écrit.

Les femmes ne sont pas les seules destinatrices des appels de Karangé. « Au Sénégal, les femmes ont souvent besoin de la participation de leur mari. Par exemple, pour financer le trajet et la consultation. » Mais l’initiative permet aussi d’impliquer les pères dans la prise en charge de l’enfant. Les appels ne se limitent pas à la question de la vaccination et est élargie aux questions de santé publique : « Par exemple, nous donnons des conseils aux femmes enceintes pendant le jeûne du ramadan. »

« Objectifs de développement durable »

Le projet est en place depuis septembre 2016. A l’heure actuelle, il est porté par le ministère de la santé et des affaires sociales du Sénégal, par Orange et Sonatel. Les deux acteurs du privé participent au financement mais aussi au soutien technique. Le service est ainsi proposé gratuitement dans une vingtaine de centres de santé à Thiès et à Dakar. Pour les femmes qui n’y seraient pas suivies, elles peuvent souscrire à un abonnement de 500 francs CFA par an (moins de 1 euro). « Presque 10 000 femmes sont suivies grâce à Karangé », précise Mamadou Sall. Une vraie victoire pour cet ancien étudiant en sciences éco et gestion. « J’ai pris la décision d’arrêter mes études pour me consacrer à ce projet. »

Son idole à lui, c’est Steve Jobs. Une fierté qui se ressent quand il évoque le prix Vivatech, l’un des plus grands salons mondiaux consacrés aux start-up technologiques, décroché en 2016 et son voyage dans la Silicone Valley. Un projet plusieurs fois récompensé, comme récemment, par la Fondation Pierre-Fabre. « J’avais envie de servir la communauté, d’être utile. La santé des populations fait partie des objectifs de développement durable. »

Mamdaou Sall affirme que, au sein des populations utilisant le service, la couverture vaccinale a fait un bond de 15 %, pour avoisiner les 95 %. Grâce à Karangé, le pourcentage de femmes qui ne se rendaient pas aux quatre visites prénatales conseillées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est tombé de 25 % à 8 %. Des chiffres plus que porteurs dont il ne saurait se satisfaire. « Il y a beaucoup de choses à faire en e-santé, il faut qu’on avance doucement, étape par étape, mais l’envie est là. Je considère que j’aurais fait ma part quand j’aurais vu baisser le taux de mortalité infantile et maternelle. »

Un objectif sûrement atteignable s’il poursuit le développement de son service. Sa priorité est d’étendre Karangé sur tout le territoire sénégalais. Peut-être aussi à l’étranger. Au Mali, au Niger ? Les premiers contacts avec des personnalités publiques locales ont déjà été noués, même si le projet repose toujours sur un financement à majorité issu de subventions. Dans l’avenir, le jeune homme se projette toujours dans le monde entrepreneurial, la fibre sociale au cœur : « J’aime réfléchir à des solutions innovantes pour répondre aux problématiques de notre société. » On ne peut que lui souhaiter de réussir.

Sommaire de notre série L’e-santé, le grand espoir de l’Afrique

Présentation de notre série : L’e-santé, le grand espoir de l’Afrique

Le Monde Afrique propose une minisérie qui présente quatre projets numériques primés par la Fondation Pierre-Fabre et développés en Ethiopie, au Sénégal et au Botwana.