L’ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, le 13 juillet 2017. | NACHO DOCE / REUTERS

C’est l’image d’une figure très populaire du Brésil qui vient de prendre un sacré coup. L’ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, 71 ans, a été condamné, mercredi 12 juillet, à neuf ans et six mois de prison pour corruption et blanchiment d’argent.

Lula, comme on l’appelle, reste néanmoins libre, car il entend faire appel de sa condamnation. Un nouveau tribunal examinera donc cette affaire qui secoue le pays depuis plusieurs mois.

1. Pourquoi est-ce important ?

C’est la première fois de l’histoire du Brésil qu’un ancien chef d’Etat est condamné pour corruption. Et c’est une immense défaite pour cette icône de la gauche brésilienne, qui nourrissait de sérieuses ambitions pour l’élection présidentielle de 2018. Ancien ouvrier dans la métallurgie et syndicaliste, Lula a dirigé le pays de 2003 à 2010.

2. Que lui reproche-t-on ?

Lula a été reconnu coupable d’avoir accepté 3,7 millions de reais (un peu plus de 1 million d’euros), dont un appartement dans une station balnéaire près de Sao Paulo, de la part de l’entreprise d’ingénierie OAS, en remerciement de son intervention pour l’attribution de contrats avec la compagnie pétrolière nommée Petrobras.

Cette compagnie est au cœur du plus grand scandale de corruption du Brésil mis au jour par l’enquête dite « Lava Jato ».

3. Qu’est-ce que « Lava Jato » ?

L’opération « Lava Jato » (« lavage express », en portugais) était à l’origine une simple enquête lancée en mars 2014 à propos de stations-service. Elle s’est transformée, trois ans plus tard, en scandale d’Etat en soulevant des faits de corruption en lien avec le pétrolier Petrobras. Les délits les plus fréquents sont :

  • corruption ;
  • délinquance financière ;
  • blanchiment d’argent ;
  • association de malfaiteurs.

Des dizaines de chefs d’entreprise, cadres, intermédiaires et politiciens de tous bords sont déjà sous les verrous. Les juges ont prononcé dans cette enquête des peines qui cumulent plus de mille trois cents années de prison.

4. Que révèle ce vaste scandale ?

Dans les années 2000, le géant pétrolier Petrobras, une entreprise publique (qui appartient donc à l’Etat), commandait des chantiers à des entreprises du bâtiment. Ces marchés étaient surfacturés : ils coûtaient à l’Etat bien plus cher qu’ils auraient dû normalement.

12,7 milliards d’euros disparus des caisses de l’Etat

La différence entre ce qu’aurait dû coûter la prestation et ce qu’elle a réellement coûté constituait une cagnotte de pots-de-vin. Cet argent était reversé à différents partis politiques, dont ceux de la coalition au pouvoir. C’est-à-dire, indirectement, ceux qui avaient commandé les marchés surfacturés.

Dans ce système, c’est l’argent de l’Etat qui est détourné. La police évalue à 12,7 milliards d’euros la somme totale qui a ainsi disparu des caisses de l’Etat brésilien.

5. Combien de politiques ont été pris dans ce scandale ?

Le Tribunal suprême fédéral (TSF), la plus haute juridiction du Brésil, a annoncé le 11 avril l’ouverture d’une gigantesque enquête qui concernait :

  • 8 ministres du gouvernement ;
  • 29 députés ;
  • 42 sénateurs ;
  • 3 anciens présidents : Dilma Roussef, Luiz Inacio Lula da Silva et Fernando Henrique Cardoso.

6. Comment Lula se défend-il ?

Lula se dit victime d’une chasse aux sorcières et a toujours nié les accusations dont il fait l’objet, affirmant qu’elles ne reposent sur aucune preuve concrète. Peu après le verdict, le Parti des travailleurs (PT), qu’il a fondé dans les années 1980, a appelé à des manifestations et dénoncé une condamnation « éminemment politique ».

7. Lula pourra-t-il redevenir un jour président ?

Dans son verdict, le juge Moro, considéré comme un héros par une grande partie de la population, interdit à l’ex-chef d’Etat « d’exercer une fonction publique », réduisant ainsi ses chances de pouvoir se présenter à l’élection présidentielle de 2018, pour laquelle Lula est pourtant le favori.

En juin, un sondage Folha lui donnait 30 % d’intentions de vote, largement devant tous les autres candidats potentiels. Si l’emblématique ex-président est acquitté, il pourra se présenter. Mais il n’est pas tiré d’affaire, étant visé par quatre autres enquêtes et faisant face à une justice brésilienne réputée lente.

8. Comment le pays affronte-t-il ce scandale ?

Des manifestants saluent la condamnation de Lula dans les rues de Brasilia, le 12 juillet. | SERGIO LIMA / AFP

L’annonce de la condamnation de Lula mercredi n’a pas tardé à susciter d’intenses réactions au Brésil tant le premier chef de l’Etat brésilien, issu de la classe ouvrière, est à la fois adoré et haï.

Les tensions politiques et sociales pourraient s’aggraver dans ce pays qui traverse actuellement une grave crise politique. L’actuel président Michel Temer, lui-même visé par de graves accusations de corruption, pourrait être destitué avant la fin de son mandat, exactement comme l’ex-présidente Dilma Rousseff (du même parti politique que Lula) qu’il a remplacée l’an dernier à la tête de l’Etat.