La codéine est surnommée « drogue des ados » et provoque une dangereuse dépendance. | Robin Gasser Le Monde

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a pris un arrêté, mercredi 12 juillet, pour inscrire la codéine et d’autres dérivés de l’opium sur la liste des médicaments délivrés uniquement sur ordonnance. Elle veut empêcher la consommation de ces mélanges qui ont provoqué de nombreuses intoxications et au moins deux décès en France depuis 2015.

Jusqu’à présent, ces médicaments (des antalgiques, contre la douleur, et des sirops pour la toux) pouvaient être délivrés sans ordonnance, s’ils contenaient une quantité de principe actif inférieure à un certain seuil. C’est maintenant fini.

1. Qu’est-ce que la codéine ?

Comme la morphine, c’est une substance dérivée de l’opium et extraite d’une plante : le pavot somnifère. L’opium est une drogue connue pour ses forts effets de somnolence. La codéine est utilisée dans des médicaments assez courants contre la douleur ou la toux. On en trouve, par exemple, dans les sirops Euphon ou néo-Codion, ou bien dans des comprimés comme le Codoliprane.

2. Pourquoi cette nouvelle réglementation ?

La ministre souhaite « mettre un terme à des pratiques addictives dangereuses et potentiellement mortelles », liées à l’usage détourné de ces produits.

Sa décision fait suite à une note publiée la veille, par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) qui s’inquiétait de l’usage détourné de ce médicament, en constante augmentation en France depuis 2013.

3. Comment ce médicament est-il consommé en drogue ?

Les mélanges incorporant ces médicaments sont surnommés « purple drank », « codé-sprite », « lean », « syzzurp ». Ils se présentent comme un cocktail euphorisant et qui « fait planer ». Du sirop ou des comprimés codéinés sont dilués dans du soda. De la grenadine ou des bonbons sont parfois ajoutés. Le résultat est souvent violet ou rose, d’où le nom de « purple drank ».

Cette pratique vient des Etats-Unis où, depuis les années 1990, le purple drank est popularisé par les rappeurs américains comme Lil Wayne ou Ludacris qui vantent ses vertus dans leurs chansons. C’est devenu là-bas un problème de santé publique.

En France, cette vogue toucherait selon les professionnels essentiellement un public jeune et inséré : lycéens, étudiants, jeunes actifs… Le purple drank serait plutôt consommé dans des soirées entre amis.

Ces mélanges sont souvent associés à de l’alcool, selon l’OFDT, et peuvent être utilisés comme une alternative pour ceux qui n’en consomment pas, y compris pour des raisons culturelles.

4. Quels sont les effets et les risques ?

Décontractant, déstressant, désinhibant, les effets de la codéine sont bien connus. Une étudiante en médecine dentaire à Bordeaux, citée dans la note de l’OFDT, décrit :

« Une impression de légèreté, comme de voler, mais des fois des nausées et la tête qui tourne. »

Ce mélange est parfois associé à un antihistaminique, pour contrer les effets secondaires de la codéine (nausées, démangeaisons).

Comme pour toutes les drogues, les utilisateurs n’ont pas forcément conscience des dangers, d’autant plus qu’ils sont rassurés par le fait qu’il s’agit de médicaments.

Ils sont aussi attirés par leur faible coût et le fait d’éviter les dealers. Ils sont loin d’imaginer les effets secondaires et encore moins le risque de surdose.

Pourtant, les troubles possibles sont nombreux :

  • altération du sommeil ;
  • problèmes de transit ;
  • démangeaisons ;
  • dépendance ;
  • overdose pouvant entraîner la mort.

De même, l’association codéine et paracétamol peut, à dose élevée, être toxique et endommager le foie.

5. Depuis quand cette pratique s’est-elle répandue en France ?

La synthèse de l’OFDT souligne que, bien que repérées pour la première fois en 2013, des « demandes suspectes de délivrance de codéinés, des cas d’abus, voire de dépendance, chez des adolescents et jeunes adultes ont continué de faire l’objet de signalements avec une multiplication de cas à partir de 2015. »

Les alertes viennent en continu du terrain. Des pharmaciens, d’abord, qui pour certains refusent de vendre ces médicaments à des adolescents, parfois des mineurs de 14 ou 15 ans. « L’un vient chercher un sirop contre la toux, l’autre arrive peu de temps après pour demander un antihistaminique, prétextant une allergie », relate un pharmacien marseillais cité dans la note.

En France, la prise de conscience s’est accélérée avec le lancement d’une pétition lancée par la mère de Pauline, 16 ans, morte le 2 mai à la suite d’une overdose de médicaments à base de codéine. Dans cette pétition qui a recueilli plus de 50 000 signatures, elle demande l’interdiction de cette « nouvelle drogue des ados ».