Tzachi Hanegbi (à gauche), ministre israélien de la coopération régionale, avec Jason Greenblatt (au centre), envoyé spécial du président américain, et Mazen Ghoneim, chef de l’Autorité palestinienne de l’eau, à Jérusalem, le 13 juillet 2017. | RONEN ZVULUN / REUTERS

Jusqu’alors, il avait fallu se contenter de sourires, de photos prises avec ses interlocuteurs et de quelques messages sans substance diffusés sur Twitter. L’avocat Jason Greenblatt, envoyé spécial du président américain, Donald Trump, au Proche-Orient, a effectué de nombreux séjours en Israël ces derniers mois. Il a une mission jugée impossible par les experts : celle de pousser les acteurs du conflit israélo-palestinien à reprendre les négociations et parvenir à l’accord de paix ultime.

Jeudi 13 juillet, Jason Greenblatt a forcé sa réserve pour apparaître devant les journalistes, dans un grand hôtel de Jérusalem-Ouest. Il avait une bonne nouvelle à annoncer – un accord important sur la livraison d’eau potable aux Palestiniens – et il n’était pas seul pour le faire. A ses côtés se trouvaient Tzachi Hanegbi, ministre israélien de la coopération régionale, et Mazen Ghoneim, chef de l’Autorité palestinienne de l’eau. Une rencontre publique rare entre des officiels des deux camps, depuis la rupture des négociations bilatérales, en mars 2014, conduites sous l’égide du secrétaire d’Etat américain John Kerry.

Selon l’envoyé spécial du président Trump, cet accord est l’« illustration des deux parties travaillant ensemble pour un accord profitant à chacun »

Tzachi Hanegbi a rendu hommage à la « médiation passionnée » de Jason Greenblatt. L’accord célébré jeudi était négocié depuis des années. Israël, la Jordanie et les Palestiniens avaient signé un mémorandum tripartite en décembre 2013. Puis Israël et la Jordanie ont conclu un accord en février 2015 pour lancer les procédures avant le début des travaux. Celui entre Israéliens et Palestiniens représente l’étape politique ultime du projet.

Sa réalisation complète prendra cinq ans. Il s’agit de construire une canalisation de 220 kilomètres pour acheminer l’eau de la mer Rouge à la mer Morte, afin de stabiliser son niveau. L’eau servira aussi à produire de l’électricité pour alimenter une centrale de désalinisation en Jordanie, et fabriquer de l’eau potable. Avant même l’achèvement du chantier, près de 32 millions de mètres cubes seront fournis par Israël à l’Autorité palestinienne, dont 10 millions destinés à la bande de Gaza, confrontée à une crise terrible dans ce secteur. Selon l’ONU, l’accès à l’eau potable y est passé de 98,3 % de la population en 2000 à 10,5 % en 2014.

Au cours de la conférence de presse, Jason Greenblatt a refusé de s’exprimer sur un sujet autre que l’eau, considérant cet accord comme le « présage de choses à venir ». Il s’agit selon lui d’une « illustration des deux parties travaillant ensemble pour un accord profitant à chacun ». Les messages positifs sont suffisamment rares pour être exploités. Le 10 juillet, une mise en scène similaire avait été organisée devant les caméras. Le ministre israélien des infrastructures, Yuval Steinitz, et le premier ministre palestinien, Rami Hamdallah, avaient coupé un ruban rouge pour inaugurer la première infrastructure énergétique entièrement gérée par Ramallah, à Jénine.

La sous-station d’Al-Jalameh va permettre de mieux approvisionner la population du nord de la Cisjordanie. La gestion de l’électricité dépendra des ingénieurs palestiniens. Trois autres sous-stations de cette nature sont prévues à Tarqumiya, Naplouse et Ramallah, financées par la Banque européenne d’investissement (BEI). Là aussi, il s’agit d’un projet ancien, dont la mise en musique politique correspond à l’effort diplomatique américain.

« Le deal ultime est impossible »

L’administration Trump cherche à montrer que les deux parties, en faisant des efforts, peuvent rapprocher leurs points de vue. Mais, en coulisses, le pessimisme règne sur l’ampleur des ambitions américaines. Dès qu’il s’agit d’évoquer les paramètres du conflit – comme Jérusalem ou les colonies –, l’Autorité palestinienne et le gouvernement Nétanyahou n’ont ni le crédit politique ni l’envie pour faire des compromis.

« L’idée qu’on pourrait parvenir facilement à une sorte d’accord comme dans l’immobilier, grâce à de bons avocats, est une illusion, explique Amos Yadlin, ancien chef du renseignement militaire, directeur de l’Institut pour les études sur la sécurité nationale (INSS). Il y a en jeu des narrations nationales, Etat juif contre la question des réfugiés chez les Palestiniens, ou encore des croyances religieuses. L’administration Trump va comprendre que le deal ultime est impossible. Beaucoup de choses, à ce moment-là, pourront être faites, des arrangements temporaires trouvés. »

Amos Yadlin estime qu’il faut garder la solution à deux Etats comme une option souhaitable à terme. Mais le plus urgent serait d’impliquer les pays arabes dans des projets concrets, pour changer l’atmosphère générale.