Edward Yiu, Nathan Law, Leung Kwok-hung et Lau Siu-lai (de gauche à droite), quatre députés démis de leurs fonctions, manifestent devant la Haute Cour de Hongkong, le 14 juillet 2017. | Kin Cheung / AP

La Haute Cour de Hongkong a rendu son verdict, vendredi 14 juillet : quatre députés de l’opposition, en poste depuis octobre 2016, ont été déchus de leurs fonctions parlementaires pour avoir mal prêté serment. Alors qu’une certaine tolérance vis-à-vis des irrégularités pendant cette cérémonie a longtemps prévalu, cette décision illustre le raidissement, voire l’inquiétude du gouvernement face à l’arrivée sur la scène politique d’une nouvelle opposition, bien plus radicale que le « vieux » camp prodémocrate.

Depuis l’arrivée de voix dissidentes au Parlement local, le Legco, lors des élections de septembre 2016, l’ancien chef de l’exécutif, Leung Chung-ying, a en effet eu recours à une nouvelle tactique « d’élimination par procédure judiciaire », une première dans la brève histoire de la Région administrative spéciale de Hongkong.

L’intervention de Pékin dans le débat, en novembre 2016, a conforté la méthode du chef de l’exécutif et a, de fait, scellé le sort des accusés. Car « l’interprétation » par Pékin, une fois rendue, a valeur de loi pour Hongkong. Et la justice doit toujours rendre son jugement conformément à la loi… « C’est la pire attaque à ce jour contre notre démocratie. Il est plus important que jamais que Hongkong reste forte et déterminée contre l’autocratie [chinoise] », a réagi Joshua Wong, jeune leader du nouveau parti d’opposition, Demosisto.

« Un ton insinuant un manque de respect vis-à-vis de la Chine »

Parmi les quatre députés disqualifiés se trouvent Nathan Law, 23 ans, plus jeune député jamais élu au Legco, ancien leader étudiant du mouvement de protestation dit « des parapluies », et cofondateur du parti Demosisto, ainsi que l’indomptable Leung Kwok-hung, plus connu sous son nom de guerre « Long Hair » à cause de son imposante chevelure. Ce dernier n’en est ni à son premier désordre dans l’hémicycle ni à ses premiers démêlés avec la justice.

Le jugement rendu vendredi a estimé que Nathan Law, en ajoutant des commentaires avant et après son serment, s’était servi de cette formalité à des fins politiques. Le juge lui reproche aussi le ton sur lequel il a prononcé le mot « pays », « un ton insinuant des doutes voire un manque de respect vis-à-vis de la Chine en tant que puissance souveraine légitime de Hongkong ».

La députée Lau Siu-lai, également disqualifiée, avait, quant à elle, lu son serment en laissant passer plusieurs secondes entre chaque mot, le rendant incompréhensible. Quant à Edward Yiu, quatrième des disqualifiés du jour, il a ajouté des éléments qui n’avaient rien à voir avec son serment. Selon l’interprétation de Pékin, le serment doit être prêté de manière « sincère et solennelle ».

Ces quatre parlementaires rejoignent donc sur le banc des exclus les deux jeunes députés indépendantistes du parti Youngspiration, considéré « localiste », Baggio Leung et Yau Wai-ching. Ils avaient eux aussi été élus en septembre 2016, mais ils furent interdits d’hémicycle sans jamais avoir pu y siéger, à la suite d’une première prestation de serment délibérément provocatrice suivie d’une série tragicomique d’épisodes chaotiques au Legco.

Intervention de Pékin

Le chef de l’exécutif avait personnellement sollicité la justice pour contester la validité de leur serment. Toute seconde chance leur a été refusée. Mais avant même que la justice hongkongaise n’ait rendu son propre verdict, Pékin était intervenu en imposant ex cathedra une « interprétation », ne laissant plus d’autre option à la Haute Cour que d’obtempérer en tenant compte de la position des autorités chinoises.

Au total, ces six députés représentent plus de 185 000 bulletins de vote, soit environ 8 % des votants. La perte de ces six voix pour le camp prodémocratique risque en outre de lui faire perdre sa minorité de blocage, indispensable pour permettre ou empêcher des lois importantes, notamment les réformes politiques.

L’appel des deux députés de Youngspiration doit être entendu fin août devant la cour d’appel final, la plus haute instance juridique de Hongkong. C’est l’un des plus célèbres avocats du barreau de Londres, David Pannick, qui devrait plaider leur cas. La cour d’appel final devrait, quant à elle, faire intervenir un juge international spécialisé en questions constitutionnelles. « Au plus haut niveau de la justice, on croit encore en un verdict juste », ont indiqué au Monde les deux jeunes députés, qui n’ont pas perdu tout espoir de rejoindre un jour leur siège au Legco. Les quatre nouveaux exclus ont également indiqué leur intention de faire appel.