Rassemblement samedi 15 juillet à Istanbul. (AP Photo/Lefteris Pitarakis) | Lefteris Pitarakis / AP

« Cela fait un an qu’une épopée a été écrite pendant la plus sombre des nuits ». Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et des représentants de l’opposition se sont réunis, samedi 15 juillet, pour commémorer le premier anniversaire du coup d’Etat manqué, qui avait fait 240 morts.

Ce rassemblement politique au Parlement était le premier d’une longue liste d’événements qui jalonneront le week-end. Le pouvoir turc a en effet misé beaucoup sur cette célébration pour redorer son blason, à grand renfort de spots télévisés glorifiant son action face aux militaires rebelles.

« Notre peuple n’a pas abandonné sa souveraineté à ses ennemis et s’est battu pour la démocratie », a lancé le premier ministre, Binali Yildirim, « ces monstres recevront sans doute les châtiments les plus lourds que la loi puisse prévoir. »

Discours à 23 h 32 GMT

Pour commémorer le putsch manqué, les dirigeants turcs prendront part à plusieurs manifestations à Istanbul et à Ankara, qui se prolongeront jusqu’à dimanche matin. Après la session spéciale au Parlement, des dizaines de milliers de personnes, en majorité des partisans de M. Erdogan, se sont rassemblés à Istanbul, vers l’un des ponts enjambant le Bosphore où s’est déroulé l’un des épisodes les plus sanglants du putsch manqué.

M. Erdogan doit y inaugurer en fin d’après-midi un mémorial dédié aux victimes du coup manqué à l’entrée de la rive asiatique du « pont des Martyrs du 15 juillet », avant de retourner à Ankara pour y prononcer un discours à 23 h 32 GMT (1 h 32, heure française), heure précise à laquelle les putschistes ont bombardé l’Assemblée nationale.

Dans la nuit du 15 au 16 juillet, des avions de chasse, des hélicoptères et des chars détournés par des éléments séditieux de l’armée affirmant avoir pris le pouvoir ont semé la mort et la terreur à Istanbul et Ankara. Leur reddition, au petit matin, symbolisera l’échec du coup de force. Un « tournant » dans l’histoire de la Turquie, selon le président Recep Tayyip Erdogan.

Turquie : comment meurt une démocratie
Durée : 04:54

« La justice a été détruite »

Un avis largement partagé par l’opposition. Car cette célébration rappelle aussi que cette tentative de putsch fut le point de départ de purges d’une ampleur sans précédent dans l’histoire de la Turquie moderne. Depuis un an, quelque 150 000 personnes ont été limogées ou suspendues de leurs fonctions, dans le secteur public comme dans le secteur privé, pour leurs liaisons présumées avec la confrérie güleniste, accusée d’être l’instigatrice du putsch.

Samedi, le Parti démocratique des peuples (HDP, pro-kurdes) était représenté par son vice-président. Ses deux co-dirigeants sont en effet incarcérés, tout comme le sont plusieurs membres d’Amnesty International et près de 160 journalistes, selon une comptabilité dressée par le comité pour la protection des journalistes.

« Ce Parlement, qui a résisté aux bombes, a été rendu obsolète et privé de son autorité », a déploré Kemal Kilicdaroglu, chef de file du Parti républicain du peuple (CHP, républicain, social-démocrate et laïc, principal parti d’opposition), évoquant le référendum remporté de justesse par Recep Tayyip Erdogan.

« Au cours de l’année qui s’est écoulée, la justice a été détruite. Au lieu d’une normalisation rapide, un état d’urgence permanent a été instauré. »

Kemal Kilicdaroglu a achevé en juillet une marche de 25 jours au cours de laquelle il a parcouru 425 kilomètres d’Ankara à Istanbul pour réclamer la libération d’un député du CHP. Largement passée sous silence par les médias pro-gouvernementaux, cette marche s’est toutefois terminée par un immense rassemblement où les manifestants ont réclamé la fin de la répression.