Qualifiée de « désastre majeur » par le gouvernement, la rupture, le 24 juin 2017, de l’unique câble optique, qui relie la Somalie au reste du monde, a privé d’Internet ce pays de 6,5 millions d’habitants pendant plus de trois semaines. L’annonce de la restauration du réseau mondial, lundi 17 juillet, a été accueillie avec soulagement par une population en partie plongée dans le noir, dans le centre et le sud de ce pays de la corne de l’Afrique, incluant Mogadiscio.

Dans un message à ses abonnés, Hormuud Telecom, la plus importante société de télécommunications du pays, a annoncé qu’Internet était à nouveau disponible. « C’est vraiment une très bonne nouvelle », a déclaré le patron d’une agence de voyage, située dans la capitale et qui avait dû fermer ses portes en raison de cette coupure. Idem pour les patients coincés en attente de soins à l’étranger, comme cet homme, Nur Hussein, qui raconte que son père allait « enfin pouvoir aller en Inde se faire soigner après avoir pu remplir tous ses papiers par Internet ».

Un câble long de 10 000 kilomètres

C’est un porte-conteneurs, sans doute le MSC Alice battant pavillon panaméen, qui a, sans le vouloir, ajouté aux difficultés d’une contrée en proie à la violence politique depuis plus de vingt-cinq ans. Son ancre est venue couper accidentellement au large du port de Mogadiscio le système de câble optique sous-marin long de 10 000 kilomètres qui permet l’accès de la côte est et sud du continent africain à Internet.

Si une petite minorité possédait les moyens de se connecter par satellite, à raison de cinq dollars l’heure, la plupart des habitants avaient vu leur vie se compliquer un peu plus en raison du black-out consécutif à la coupure, a expliqué Mohamed Ahmed Jama, directeur général de Dalkom, une société somalienne de télécommunications qui fait partie du consortium du Eastern Africa Submarine Cable System.

Les Somaliens, dans le pays comme dans l’imposante diaspora, sont devenus très dépendants de leur connexion à la Toile. Près de deux millions de Somaliens, fuyant la guerre, ont créé à l’étranger une diaspora qui gagne de l’argent qu’elle envoie ensuite au pays. Internet est précisément ce qui la relie à son pays. « En Somalie, le secteur des télécommunications a prospéré, même pendant les pires années de conflit », explique Ahmed Soliman, spécialiste de la Somalie au centre de recherches de Chatham House de Londres. « Les Somaliens des villes sont de plus en plus reliés en ligne depuis le lancement de la fibre optique en 2014 », ajoute-t-il.

Le secteur tertiaire du pays est en pleine progression : développeurs Web, graphistes, médias, commerçants, mais aussi services gouvernementaux et bancaires s’appuient très largement sur le courrier électronique et les bases de données connectées.

Dix millions de dollars de pertes par jour

La Banque mondiale estime à 1,4 milliard par an le montant des versements de l’étranger, soit un quart du produit intérieur brut national. Or, le département des transferts internationaux était fermé depuis la rupture du câble à la fin de juin. Le gouvernement somalien a estimé à 10 millions de dollars par jour (9 millions d’euros) les pertes économiques pendant cette période.

Mais Internet joue également un rôle crucial pour les habitants de Mogadiscio où les shebabs, des insurgés liés à Al-Qaida, commettent régulièrement des attentats et où des informations parfois littéralement vitales sont partagées plus rapidement sur les réseaux sociaux et messageries. Hassan Istiila, rédacteur en chef à Radio Dalsan, une station qui revendique quatre millions d’auditeurs, explique que Twitter représente un outil unique pour recueillir et diffuser l’information sur les attentats.

Ce genre d’accident, où des câbles sont coupés par des ancres au fond des mers, n’est pas rare le long des côtes est-africaines et ailleurs. En 2012, six pays d’Afrique ont été coupés d’un seul coup. Mais il faut rarement des semaines pour réparer.