L’accordéonniste malgache Regis Gizavo le 17 juin 2017, à Toulouse, au Rio Loco Music Festival. | REMY GABALDA / AFP

Depuis qu’il avait débarqué en France, son instrument sur le dos, il y a une petite trentaine d’années, tout le monde le sollicitait. C’était un maestro de l’accordéon, avec un son qui n’appartenait qu’à lui. Régis Gizavo se montrait toujours partant pour se glisser dans les univers des collègues. Il leur offrait son talent, avec une générosité rayonnante. Il est mort le 16 juillet, dans un de ces moments partageurs dont il était si friand, après un malaise cardiaque, survenu en Corse, où il se trouvait en compagnie de Alba, un groupe instrumental et vocal de Balagne (Haute-Corse). Il avait 58 ans.

A peine arrivé à Paris, en 1990, avec un prix Découvertes de RFI (Radio France International) en poche, Régis Gizavo enchaîne les camarades de jeux. Le batteur Francis Lassus l’invite dans son groupe Bohé Combo, puis on va l’entendre aux côtés de Graeme Allwright (le premier chanteur qu’il accompagnera), Zao, Higelin, des Têtes Brûlées... En 1993, il devient l’accordéoniste du groupe corse I Muvrini, en remplacement de Daniel Mille. En 2002, il tourne en Afrique du Sud avec l’accordéoniste Marc Berthoumieux et collabore à l’album Phalange Canibal du Brésilien Lenine. L’année suivante, il participe au Voz de Amor de Cesaria Evora et s’implique dans le Malagasy All Stars, avec Fenoamby, Justin Vali, Dama et Erick Manana. On l’a aussi entendu avec Boubacar Traoré, Mano Solo, Christophe Maé, qui dira de lui qu’il l’a réconcilié avec l’accordéon. Et puis Lavilliers, Tao Ravao, René Lacaille, Richard Galliano, Lura, les Mahotella Queens... La liste pourrait continuer.

« Ma culture, ce sont mes oreilles »

Quand vous lui demandiez d’où lui venait cette envie constante de se connecter avec tout le monde, il parlait de curiosité et d’ouverture : «Cela m’a toujours intéressé de jouer avec des gens d’univers différents qui n’ont rien à voir avec la musique malgache. Ma culture, ce sont mes oreilles, je suis un musicien d’instinct et pour moi c’est très excitant de faire des choses nouvelles, que je ne connais pas. » Au-delà ce ces multiples collaborations, il n’oubliait pas l’essentiel : sa propre carrière. « J’aime bien rencontrer les gens, mais si j’ai fait 12 000 bornes, c’est que j’ai mon truc à faire passer aussi. » Alors il a écrit des chansons, enregistré ses albums. Le dernier Ilakake, est paru en 2012, sur le label Cinq Planètes. Avant cela, il y en avait eu trois autres, Mikea, Samy Olombelo et Stories, successivement réalisés sur les labels Indigo et Marabi, à l’instigation de Christian Mousset, créateur du festival Musiques Métisses d’Angoulême. Comme tous ceux qui l’on fréquenté, celui-ci vante aussi les qualités de l’homme, humble et toujours bienveillant.

Non content de jouer l’accordéon, Régis Gizavo chantait également et sa voix pouvait vous ficher des frissons

Régis Gizavo avait une foule de projets en cours, notamment avec son ami Justin Vali et le nouveau trio Toko Telo, formé avec la chanteuse Monika Njava et le guitariste D’Gary. Tous les trois ont emballé le public, lors du festival Rio Loco, à Toulouse, en juin. Il aimait raconter que toute sa belle aventure avait commencé « là-bas », quand il pêchait près de Tuléar (aujourd’hui Toliary), sur la côte sud-ouest de Madagascar, le coin où il est né le 16 juin 1959. Enfant, il n’arrêtait pas de chanter. C’est comme cela qu’il s’est fait la voix, assurait-il. Car non content de jouer l’accordéon, Régis Gizavo chantait également et sa voix pouvait vous ficher des frissons, quand il la lançait au-dessus de son accordéon.

L’accordéon, il l’a appris tout gosse, à cette époque où sur l’île on payait en têtes de zébus les meilleurs accordéonistes qui animaient fêtes et rituels. Il a commencé sur l’accordéon diatonique de son père avant de passer au chromatique. « Il jouait du chromatique comme on joue du diatonique. Personne d’autre ne sait faire cela, déclare au Monde l’accordéoniste réunionnais René Lacaille, un vieux copain d’aventures avec qui il a partagé tant de scènes et de repas. « Régis aimait boire, manger, cuisiner. Il adorait la vie », ajoute en écho, Tao Ravo, lui aussi un de ses compagnons de musique. Comme d’autres, il s’est promis de participer à la cérémonie d’adieu que la famille des musiciens malgaches souhaitait organiser à l’aéroport d’Orly, lors du rapatriement du corps de Régis Gizavo vers son île.

Régis Gizavo en quelques dates

Le 16 juin 1959 : Naissance à Tuléar (Madagascar)

1990 : Prix Découvertes de RFI et arrivée en France

1993 : Devient l’accordéoniste attitré d’I Muvrini

1995 : Enregistre son premier album Mikea (Indigo / Label Bleu)

2002 : Participe à l’album Phalange Canibal du Brésilien Lenine

2006 : Tournée aux Etats-Unis avec Cesaria Evora

2012 : Parution d’Ilakake et artiste « fil rouge » aux Nuits de Nacre de Tulle (Corrèze)

16 juillet 2017 : Mort en Corse