Pour l’unique repreneur potentiel, GMD, « s’il n’y a pas de prolongation de la période d’observation, [l’offre de reprise] ne sera pas finalisée ». | THIERRY ZOCCOLAN / AFP

Prolongation de la période d’observation ou liquidation judiciaire définitive. C’est une nouvelle journée décisive – et éprouvante – qui s’annonce pour les 277 salariés de GM&S, ce fabricant de pièces automobiles basé à La Souterraine, dans la Creuse, en redressement judiciaire depuis décembre 2016, et qui s’était invité dans la campagne électorale présidentielle.

Le tribunal de commerce de Poitiers doit examiner à partir de 10 heures, mercredi 19 juillet, la seule offre de reprise de GM&S, celle du numéro un français de l’emboutissage, la société stéphanoise GMD, également équipementier automobile.

Un plan mal engagé

Mardi 18 juillet au soir, quelques heures avant que le juge consulaire ne se penche sur le cas GM&S, Alain Martineau, PDG de GMD, a fait savoir par voie de communiqué à l’AFP que « l’ensemble des conditions suspensives ne sont pas levées (…) », ajoutant, « s’il n’y a pas de prolongation de la période d’observation, notre offre ne sera pas finalisée ».

Qui plus est, le patron de GMD estime « pas acceptables » les conditions de la location des bâtiments de La Souterraine, la société civile immobilière propriétaire demandant au futur locataire de prendre à sa charge les frais d’entretien.

Enfin M. Martineau juge très compliqué de se lancer dans l’aventure sans l’adhésion des personnels. « Il n’est pas possible de se rendre sur un site où l’on se fait siffler par ses salariés », a prévenu le patron de GMD.

L’unique repreneur potentiel refuse donc, pour le moment, de reprendre l’entreprise. Dans ces conditions, le tribunal de commerce de Poitiers devrait, sauf coup de théâtre, avoir à trancher entre une nouvelle prolongation de la période d’observation, peut-être jusqu’au 31 août, ou une liquidation pure et simple.

Les exigences des salariés

Cela serait une nouvelle douche froide pour les 277 salariés du deuxième employeur privé du département de la Creuse (après l’entreprise de chambres froides Dagard, à Boussac) qui ont connu trois dépôts de bilan en dix ans.

Le plan de reprise de GMD, qui prévoit de garder 120 salariés, ne leur convient pas. Depuis mardi 18 juillet, la CGT et une centaine de salariés de GM&S, venus en cars depuis La Souterraine, a fait monter la pression en bloquant une plate-forme logistique de pièces détachées de Renault, à Villeroy (Yonne) près de Sens, le groupe automobile étant, avec PSA, le principal pourvoyeur du chiffre d’affaires de GM&S.

Les salariés posent plusieurs conditions à leur adhésion au projet : que Renault formalise ses engagements de commandes, que PSA investisse sans réticence et que les constructeurs abondent une indemnité de licenciement supralégale pour les salariés qui ne seraient pas repris par GMD, tout en cherchant à minimiser le plus possible cette proportion de laissés-pour-compte.

En solidarité avec les GM&S, la CGT Métallurgie avait appelé la filière automobile à une heure de grève, à la veille de l’audience. Un mouvement apparemment peu suivi, des responsables cégétistes se bornant à mentionner des arrêts de travail à l’usine Renault du Mans (Sarthe), par plus d’une centaine de salariés, et à l’usine Delphi Automotive, sous-traitant de PSA à Blois (Loir-et-Cher).

L’activisme de Bercy

Depuis son arrivée à la tête du ministère de l’économie, en mai, Bruno Le Maire, secondé par son secrétaire d’Etat, Benjamin Griveaux, n’a pas ménagé ses efforts pour éviter la disparition de GM&S du paysage industriel français. Signe de l’enjeu pour le gouvernement, les deux ministres ont annoncé leur intention de se rendre mercredi 19 juillet, à 14 h 30, à l’hôtel de ville de La Souterraine pour effectuer avec les représentants des salariés, qui n’auront pas fait le déplacement dans l’Yonne, « un point d’étape » sur les négociations.

Ce déplacement n’est pas sans risque. Si d’aventure le tribunal de Poitiers se prononçait rapidement pour une liquidation de l’entreprise, la visite se compliquerait probablement pour MM. Le Maire et Griveaux.

Les services de Bercy jouent depuis plusieurs semaines les médiateurs entre GMD, les représentants des salariés et les deux grands constructeurs automobiles, Renault et PSA, afin que soient remplies les conditions considérées comme suspensives par le repreneur, conditions qui se sont durcies d’ailleurs au fur et à mesure de la négociation.

Des constructeurs qui renâclent

Ces conditions mettent largement à contribution les deux firmes automobiles nationales, aiguillonnées par l’Etat présent à leur capital. Deux sont essentielles pour boucler le plan de reprise : d’abord un investissement initial de 15 millions d’euros répartis entre l’Etat et les constructeurs ; ensuite un engagement de fournir à GM&S un chiffre d’affaires annuel de 10 millions d’euros côté Renault et de 12 millions côté PSA, garanti pendant cinq ans.

C’est peu dire que l’un comme l’autre des constructeurs n’avaient guère envie de se mettre dans ce guêpier. Renault a, finalement, accepté de se ranger aux demandes de son actionnaire, en particulier en acceptant d’investir 5 millions d’euros, en quelque sorte à perte dans la modernisation de l’usine. Bercy a dû quand même lui demander des précisions sur son plan de commandes annuelles.

Quant à PSA, il est entré en quasi-conflit ouvert avec le ministère de l’économie, ce dernier le pointant du doigt pour avoir refusé d’abonder au plan d’investissement de 15 millions. PSA a opposé « un démenti formel » aux « informations erronées » diffusées par Bercy et rappelé « qu’il s’est toujours engagé à investir dans GM&S avec un plan précis de 4 millions d’euros » dans les moules et l’outillage spécifique nécessaire aux pièces. PSA a également demandé la publication des engagements détaillés de toutes les parties prenantes en matière de chiffre d’affaires pour les années à venir.