Primoz Roglic s’est imposé lors de la 17e étape du Tour, le 19 juillet. BENOIT TESSIER/REUTERS | BENOIT TESSIER / REUTERS

Si l’on parlait slovène, Primoz Roglic aurait une bonne histoire à nous raconter : comment il est passé de sauteur à skis moyen à excellent coureur cycliste. Mais la presse de Ljubljana préfère les tremplins enneigés aux sommets du Tour : mercredi 19 juillet, il n’y avait personne pour faire dire à Primoz Roglic qui il est vraiment.

En apparence, un taiseux du vélo, retranché derrière un anglais basique. Dans la formation néerlandaise Lotto-Jumbo, déprimée par les abandons de ses grimpeurs Robert Gesink et George Bennett, on ne l’imagine pas faire monter l’ambiance. Mercredi, il a fait mieux que cela : remporter la première étape des Alpes à Serre-Chevalier (Hautes-Alpes), par-delà le col de la Croix de Fer et celui du Galibier.

« On pourrait dire qu’il a le potentiel pour faire dans les cinq premiers du Tour de France. Mais sur trois semaines, on ne sait pas », Nico Verhoeven, son directeur sportif

Echappé tôt, il accompagne Alberto Contador et quelques autres, s’en débarrasse dans le Galibier et plonge vers la vallée de la Guisane dans une position aérodynamique et risquée. Au passage de la ligne, il révèle une longue croix tatouée au revers du bras droit. « Quand il a du temps libre, il aime boire de la bière. Alors ce soir, il va sûrement en boire deux », suppose son coéquipier Tom Leezer. Sans doute pas plus, car Primoz Roglic prendra samedi le départ du contre-la-montre de Marseille avec l’intention de le gagner. Le Slovène, inconnu il y a un peu plus d’un an, est devenu l’un des meilleurs coureurs du monde, en particulier dans l’épreuve chronométrée. « On pourrait dire qu’il a le potentiel pour faire dans les cinq premiers du Tour de France, lance Nico Verhoeven, son directeur sportif. Mais sur trois semaines, on ne sait pas. Je ne sais pas où se trouve sa limite. »

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Personne ne le sait vraiment, car Primoz Roglic a commencé le cyclisme à 22 ans, à l’âge où d’autres remportent des étapes du Tour de France. Avant cela, il faisait du saut à skis : les montagnes de Haute-Carniole, où il a grandi, ont produit, dans la catégorie des sportifs maladivement maigres, plus de sauteurs que de cyclistes.

Dès l’adolescence, l’entraînement est quasi-professionnel. Dans un centre de formation, à Kranj, loin des siens, il enchaîne chaque jour trois heures de saut et trois heures d’exercices en salle, souplesse et musculation. Le cyclisme est proscrit, afin de ne pas perdre en explosivité. Il devient champion du monde junior, mais s’arrête là : « A partir de 20 ans, je me suis rendu compte que j’étais bon mais que je n’arriverai jamais au niveau des tout meilleurs. J’avais été content d’en faire, mais je n’ai pas trouvé le moyen de devenir un grand champion. J’ai reçu le soutien de ma famille pour changer de sport », raconte-t-il, en 2016, au magazine japonais Ciclissimo. C’est une chute plus spectaculaire que grave, sur le tremplin de Planiça, en Slovénie, qui l’éloigne des skis et le rapproche du vélo. Après sa rééducation cycliste, il décroche un emploi alimentaire de colporteur… à vélo. « C’est pour gagner sur le Tour de France que j’ai commencé le cyclisme, dit-il. Mais le rêve et la réalité sont deux choses différentes. »

Une progression qui interpelle

La progression très rapide de Primoz Roglic depuis son arrivée au plus haut niveau, en 2016, intrigue, notamment son évolution dans les contre-la-montre. Grimpeur prometteur, le voilà qui, sur le Tour d’Italie, devient soudainement l’un des meilleurs rouleurs du monde : deuxième du prologue et vainqueur d’un contre-la-montre de 40 kilomètres dans le Chianti, une distance qu’il n’avait jamais parcourue dans cet exercice.

Le magazine « Stade 2 », en juin 2016, dissèque l’étrange ballet des vélos de Roglic dans les minutes précédant le départ du contre-la-montre remporté et constate que sa machine n’a pas été passée au détecteur de moteur. Or, deux mois plus tôt, sur une autre course italienne, le Slovène faisait partie des quelques coureurs jugés suspects après avoir été filmé, du bord de la route, par une caméra thermique. Alors, vélo truqué ? L’équipe répond et explique, menace de porter plainte. Aucune notification ne parviendra à France Télévisions.

Interrogé sur ces accusations, Primoz Roglic frise sa fine moustache : « Pour moi, c’est juste drôle, je n’ai pas commenté car ce sont des conneries. » En slovène, « conneries » se dit « sranje ».