Pour le gouvernement, les sociétés ne doivent plus lier leurs travaux à l’allongement des concessions et à une hausse des tarifs. | PIERRE ANDRIEU / AFP

Messieurs les responsables des sociétés concessionnaires d’autoroutes « faites preuve d’imagination » ! C’est en ces termes que, devant le Sénat, jeudi 20 juillet, puis dans cet esprit, lors du déjeuner avec les patrons de Sanef, Vinci, Eiffage, APRR, que la ministre des transports, Elisabeth Borne, a sonné la fin des plans de relance autoroutiers.

Fini le donnant-donnant, où, en échange de travaux, les concessionnaires négociaient un rallongement de la durée des concessions, ainsi que des hausses de tarifs des péage. L’heure est venue d’envisager d’autres systèmes. « J’attends vraiment des sociétés concessionnaires qu’elles réfléchissent autrement, insiste la ministre. Elles ont proposé plusieurs plans de relance fondés sur des allongements, je pense que nos citoyens ne comprendraient pas qu’on continue indéfiniment cette mécanique. »

L’Arafer a lancé la charge en juin

Lors des quinquennats précédents de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, les concessionnaires avaient négocié pas moins de trois plans de relance, bien souvent en leur faveur. Et c’est justement le dernier, appelé pudiquement plan d’investissement autoroutier, annoncé en janvier par le précédent gouvernement qui va illustrer ce changement de politique.

Mi-juin, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) a lancé la charge recommandant à l’Etat de revoir sa copie. « Les augmentations des tarifs de péage prévues excèdent le juste niveau qu’il serait légitime de faire supporter aux usagers », affirme-t-elle, contestant ainsi le second plan Hollande. « Le niveau de rémunération des sociétés concessionnaires devrait être plus conforme aux risques supportés. [L’Arafer] recommande par conséquent une révision des projets d’avenant avant toute éventuelle signature. »

« Beaucoup de débats sur la rentabilité »

Implicitement, l’autorité indépendante reproche au précédent gouvernement d’avoir mal négocié ce plan de 800 millions d’euros. Son avis a été transmis au Conseil d’Etat, qui devrait se prononcer avant la fin du mois de juillet. Si les sociétés concessionnaires estiment que l’Arafer outrepasse sa mission, les pouvoirs publics ont, eux, tout de suite pris en compte ce jugement « très négatif », qui n’est pourtant que consultatif. « On est en train d’examiner la façon dont on peut prendre en compte cet avis, a affirmé, devant les sénateurs, Mme Borne. Moi j’aurai notamment un questionnement qui est sur le TRI [taux de rentabilité interne] demandé par les sociétés concessionnaires. » Et celle-ci d’ajouter : « Il y a eu beaucoup de débats sur la rentabilité. Il faut que les sociétés concessionnaires l’entendent. » Cette question a été abordée quelques heures plus tard, lors du déjeuner avec les patrons de sociétés d’autoroutes.

Concrètement, il ne s’agit pas d’arrêter ce plan d’investissements, mais de procéder à de sérieux ajustements. Les coupes budgétaires obligent aussi à revoir des projets comme celui de l’autoroute A45, entre Lyon et Saint-Etienne, qui coûterait 400 millions d’euros aux contribuables. L’arbitrage sera fait dans le cadre de la loi de programmation de 2018. Dans ce contexte, l’une des pistes évoquées par les concessionnaires est d’étendre leur activité vers d’autres routes. « Le réseau routier non concédé se paupérise, a reconnu la ministre dans un entretien aux Échos le 5 juillet. Mais quant à adosser celui-ci au réseau concédé en échange d’une prolongation des concessions, il faut être clair, les règles européennes ne nous le permettent pas. »

Lors de sa rencontre avec les patrons des autoroutes, Mme Borne leur a demandé de réfléchir à la manière d’innover et d’améliorer les conditions de déplacement sur le réseau existant. Avec une échéance, celle des Assises de la mobilité, qui seront organisées à l’automne.