La Gécamines, entreprise minière publique de la République démocratique du Congo, à Lubumbashi, en 2011. | PHIL MOORE / AFP

La République démocratique du Congo (RDC) s’enfonce dans une crise économique. La pénurie de devises se conjugue à une dépréciation du franc congolais face au dollar de 30 % au premier semestre. Une inflation de près de 40 %, des administrations gangrenées par la corruption, des fonctionnaires impayés et des investisseurs freinés par l’instabilité politique. Les caisses de l’Etat se vident.

Et la Gécamines, la mythique entreprise minière publique, a sans doute une part de responsabilités. Elle peine à rémunérer ses salariés, ne reverse à l’Etat aucun dividende et ne paie que 20 millions de dollars (17,1 millions d’euros) par an d’impôts, selon l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).

Bien que criblée par une dette de plus d’un milliard de dollars, la Gécamines, dont la gestion est opaque, est une fois encore épinglée pour des soupçons de détournements massifs. Entre 2013 et 2015, pas moins de 750 millions de dollars des recettes minières destinées au Trésor public se sont évaporés, souligne Global Witness dans un rapport intitulé « Distributeur automatique du régime », rendu public vendredi 21 juillet.

L’ONG, qui s’appuie notamment sur les données de l’ITIE, relève qu’entre 30 % et 40 % du total des revenus miniers qui doivent revenir à l’Etat ne parviennent pas à destination. « Cet argent est conservé par divers organismes fiscaux pour leurs “fonds propres” ou disparaît, absorbé par la Gécamines, constate Global Witness. Personne ne sait à quoi sert cet argent. »

La Gécamines, « vache à lait » du pouvoir

La Gécamines, société nationalisée en 1960 au moment de l’indépendance, pillée par Mobutu Sese Seko dans les années 1990, est aujourd’hui encore considérée comme la « vache à lait » du pouvoir, comme le disent les Congolais.

La privatisation de la compagnie est un triste mythe. L’Etat reste l’unique actionnaire d’une société désormais incapable d’exploiter elle-même les mines de cuivre et de cobalt de l’ancienne province du Katanga. La Gécamines se contente de percevoir des redevances sur une vingtaine de projets d’exploitation confiés à des entreprises d’Europe, des Etats-Unis, de Chine ou du Kazakhstan. La corruption est banalisée. Les hommes d’affaires amis du président Joseph Kabila ont pu en profiter.

« La Gécamines joue un rôle crucial dans le détournement des revenus du Trésor public grâce notamment à son dirigeant corrompu et âpre au gain qui a l’habitude de s’accrocher au pouvoir », explique Global Witness dans son rapport.

Une manière directe de pointer le patron des patrons en RDC, Albert Yuma, nommé en 2010 par le chef d’Etat à la tête de la Gécamines. Proche de Joseph Kabila, il a poursuivi le dépècement de cette entreprise. Il est aussi soupçonné d’animer les complexes circuits financiers offshore dans lesquels se volatilisent des sommes astronomiques ou encore de superviser des retraits en espèces de millions de dollars à la branche congolaise de la BGFI-Bank, la banque dirigée par Francis Selemani Mtwale, considéré comme un « frère » par le président Kabila. Contacté par Le Monde, Albert Yuma n’a pas souhaité réagir.

Kabila et sa famille ont constitué un empire économique

L’économie congolaise est très largement dépendante du secteur minier et surtout du cobalt et du cuivre, deux métaux qui assurent 80 % du total des recettes d’exportation de l’Etat. En 2013, la RDC est devenue le premier producteur de cuivre au monde, dépassant la Zambie voisine dont le Trésor parvient à capter 88 % des recettes minières, selon l’ITIE.

La RDC jouit également du statut de réserve mondiale de cobalt. Le cours de ce métal, indispensable pour l’industrie électronique et dont dépend une partie de la transition vers les énergies renouvelables, a bondi de 70 % depuis le début de l’année.

Mais là encore, la mauvaise gouvernance de la Gécamines et l’accaparement de richesses par des proches du chef de l’Etat empêchent la mise en œuvre de toute politique sociale et économique. « Si l’argent continue à être siphonné vers des réseaux parallèles liés au pouvoir en place, la crise politique au Congo ne fera qu’empirer », prédit Global Witness.

Arrivé au pouvoir en 2001, le président Joseph Kabila et sa famille ont constitué un empire économique estimé à plusieurs centaines de millions de dollars, selon Bloomberg. Ainsi, le clan familial posséderait notamment 120 permis d’extraction de cuivre, de cobalt mais aussi d’or et de diamants.

La dégradation de la situation économique du pays est accélérée par une grave crise politique. Joseph Kabila se maintient au pouvoir malgré la fin de son dernier mandat en décembre 2016. L’élection présidentielle, prévue fin 2017, ne pourra sans doute pas se tenir. La reprise de l’activité économique du plus grand pays d’Afrique francophone en dépend.