Edouard Philippe, le premier ministre, a ouvert les débats des Etats généraux de l’alimentation le 20 juillet. | MARTIN BUREAU / AFP

Effet de surprise à l’occasion de l’ouverture des Etats généraux de l’alimentation, jeudi 20 juillet, à Bercy. Contrairement à ce qui était prévu, Emmanuel Macron n’a pas clôturé la journée de débat. Et pourtant ce chantier destiné à répondre à un double impératif, assurer un revenu décent aux agriculteurs tout en répartissant plus équitablement la valeur dans la chaîne de l’industrie agroalimentaire, mais aussi mieux répondre aux attentes des consommateurs soucieux de préserver santé et environnement, était une de ses promesses de campagne.

Il est vrai que l’agenda du président de la République a été bousculé par sa décision de visiter, jeudi, une base militaire à Istres après la démission fracassante du chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers. Dans l’assistance des Etats généraux, certains avançaient une autre raison à cette absence, estimant qu’à ce stade M. Macron n’avait pas d’annonce à faire.

A contrario, fidèle au poste, le premier ministre, Edouard Philippe, a ouvert les débats. Il a mis en exergue les défis à relever par tous les acteurs, soulignant que « certains les qualifieraient de faiblesses. Je préfère le mot de défis. Une faiblesse, ça se constate. Un défi ça se relève ». Avant depoursuivre: « Nous voulons permettre à chacun de vivre de son travail, mais il ne faut pas raisonner en termes de coupables, il faut trouver des solutions pérennes », a-t-il affirmé. Il a évoqué l’obligation de rétablir la confiance entre tous les acteurs, dans un contexte « où on ne peut plus partir en ordre dispersé ». Il a insisté sur la nécessité de prendre en compte les nouvelles attentes des consommateurs et de réconcilier agriculture et environnement. Pour le premier ministre, qui a cité pesticides et perturbateurs endocriniens, la transition écologique est une tendance de fond qui peut être « une chance si nous la devançons ». M. Philippe a également abordé le rôle de l’Etat, « qui ne se substituera pas au marché » et « qui prendra sa part de responsabilité, mais juste sa part ».

Divergences de vue

Stéphane Travert, ministre de l’agriculture, a, quant à lui, fait le discours de la méthode des Etats généraux dont les travaux se dérouleront jusqu’à la mi-novembre avec quatorze ateliers répartis en deux chantiers. Le premier sur la création et la répartition de la valeur durera un mois, entre fin août et fin septembre. « Ce n’est pas parce que le président de la République ne vient pas aujourd’hui que les Etats généraux ont une ambition moindre », a-t-il déclaré, ajoutant : « Il s’exprimera pendant la césure entre les deux chantiers, alors que nous aurons trouvé des compromis, et pourra donner des perspectives. »

Sans surprise, chacun a, ensuite, joué sa partition. De quoi démontrer toutes les divergences de vue. Si la plupart des intervenants se sont déclarés satisfaits de la tenue de ces Etats généraux, certains se montrent circonspects. « Je ne suis pas sûr que les Etats généraux de l’alimentation soient bien nommés, ce sont les Etats généraux de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Sur les 14 ateliers, seuls 4 sont consacrés à l’alimentation. J’espère qu’il n’y a pas un malentendu pour les consommateurs et qu’il ne s’agit pas d’une vaste opération pour justifier une forte augmentation des prix », a réagi Alain Bazot, président de l’UFC-Que choisir.

« Il faut une grande loi »

Des représentants d’ONG ont également demandé qu’il y ait un engagement sur un troisième temps politique à l’issue des chantiers, et non pas un simple « agenda des solutions ». « Il faut une grande loi sur le droit au revenu des paysans. Il faut aussi donner des éléments de réflexion pour négocier la prochaine politique agricole commune, afin que les paysans puissent produire en fonction de la demande des consommateurs », a réclamé Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, pointant du doigt la baisse constante du nombre d’agriculteurs.

« Nous avons perdu 30 % des agriculteurs ces dix dernières années. La richesse humaine doit être au cœur des débats. Nous devons relever le défi du renouvellement des générations », a affirmé Jérémy Decerle, président des Jeunes agriculteurs (JA). Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, a reconnu pour sa part que « la tendance déflationniste des prix alimentaires était tueuse de paysans » et estime qu’il faut jouer sur quelques leviers comme « sortir du tabou des prix bas », « retoucher la LME », c’est-à-dire la loi de modernisation de l’économie, qui encadre depuis 2008 les relations souvent conflictuelles entre industriels et grande distribution, et « revoir le droit de la concurrence pour donner aux agriculteurs des outils afin de lutter contre les aléas et la volatilité des prix ». Bernard Lannes, président de la Coordination rurale, se place, lui, du côté des consommateurs : « Nous croyons à la traçabilité intégrale de l’étiquette des produits alimentaires. Il faut dire la vérité. » Le débat est désormais ouvert au grand public sur la plate-forme egalimentation.gouv.fr.