La série « Game of thrones » est, à compter de la rentrée 2017, enseignée à Harvard. | HBO

LES CHOIX DE LA MATINALE

Longtemps délaissées par le monde universitaire qui y voyait de simples produits commerciaux, les séries télé ont conquis les amphithéâtres depuis une dizaine d’années. Souvent grâce à des enseignants-chercheurs fans du petit écran, elles font désormais l’objet de thèses, de colloques et bien sûr de cours, à destination d’étudiants qu’elles ne manquent pas d’intéresser.

Elles permettent d’aborder d’une manière originale des disciplines comme la sociologie, la philosophie, l’histoire, l’éthique, la criminalité, ou encore la politique. Les séries TV ont même leur collection spéciale aux Presses universitaires de France (PUF) ainsi que leur réseau de chercheurs spécialisés (comme le SERIES ou le GUEST). « Le Monde Campus » a sélectionné quatre de ces séries adoubées par la science.

GAME OF THRONES. Mythes et réalités du Moyen-Age

GAME OF THRONES Saison 7 Bande Annonce (2017)

Neuf « maisons » se disputant un trône de Fer à coups d’épée, d’alliances et de trahisons : Games of Thrones, la série d’inspiration médiévale et fantastique a débuté sa septième saison sur les écrans télé, le 17 juillet.

De prestigieuses universités américaines proposent d’explorer autrement Westeros. Harvard inaugure, à la rentrée, un cours animé par un médiéviste, qui espère ainsi susciter un regain d’intérêt pour l’étude des « humanités ».

Il s’agit de montrer comment les romans de George R. R. Martin, et la série éponyme, « reprennent et adaptent, et distordent aussi, l’histoire et la culture du monde médiéval de l’Eurasie entre 400 et 1500 », a expliqué le professeur Sean Gilsdorf, au Time. Une thématique qui n’est pas sans rappeler le cours d’une université canadienne en 2015, qui disséquait comment la série réinventait le Moyen-Age à l’aune du XXIe siècle.

Toujours aux Etats-Unis, Berkeley a consacré un cours de sa summer session 2017 à « la linguistique de Games of Thrones et l’art d’inventer un langage ».

THE WIRE. Plongée sociologique dans un quartier populaire américain

The Wire Season 5 Trailer | by JPB

Celle qui décroche régulièrement auprès des amateurs la médaille de « meilleure série de tous les temps » – même Barack Obama a affirmé être accro –, incarne à la perfection ces ponts désormais possibles entre les cultures populaire et savante.

The Wire (Sur Ecoute en VF), diffusée de 2002 à 2008 sur HBO aux Etats-Unis est probablement la série la plus étudiée dans les universités. Ecrite et produite par l’ancien journaliste David Simon, elle met en scène sous la forme d’un quasi-documentaire le quotidien de policiers, de trafiquants de drogue, de journalistes ou de politiciens dans une ville de Baltimore (Maryland) rongée par la criminalité.

Depuis 2009, The Wire sert régulièrement de support à des cours et colloques sur les inégalités urbaines aux Etats-Unis (Harvard, entre autres), au Canada, en Australie, au Royaume-Uni et même en France.

Il y a quelques années Jason Mittell, enseignant au Middlebury College (Vermont) expliquait au site Slate.fr : « Enseigner The Wire, c’est ouvrir une fenêtre sur une face de la société que peu de mes étudiants connaissent. La série permet d’aborder des questions sociales comme la légalisation des drogues, l’éducation en milieu urbain, la corruption politique, etc. Nous ne sommes pas là pour nous féliciter de la qualité du petit écran, mais pour explorer un univers fictionnel très proche de la réalité, riche en enseignements. »

BREAKING BAD. De l’art de l’écriture narrative

[VF] Bande d'annonce Breaking Bad saison 1-5

Un professeur de chimie surqualifié apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon en phase terminale. Pour assurer la sécurité financière de sa famille et financer son traitement, il se lance dans la fabrication de drogue et fini par sombrer, lentement mais sûrement, dans le crime : tel est le scénario complexe de la série Breaking Bad, diffusée de 2008 à 2013 sur la chaîne AMC aux Etats-Unis.

Dans le cadre du cours « Breaking Bad, Breaking Down », des étudiants (en droit, en théâtre, en audiovisuel ou en études des médias) de la State University of New York (SUNY) de Buffalo ont pu plancher sur ce programme addictif pendant un semestre. Non pas pour apprendre à fabriquer de la méthamphétamine, comme le héros Walter White, mais pour étudier le fil narratif de Breaking Bad.

Etaient entre autres présents pour les accompagner des professeurs de droit ainsi que des représentants de la Drug Enforcement Administration (DEA – unité de lutte antidrogue). L’enseignant chargé du cours, Bruce Jackson, estimait, en 2013, auprès du Huffington Post que « la complexité narrative, humaine et sociale dont rend compte Breaking Bad est sans équivalent dans les séries TV ».

THE WEST WING. Petit précis de sciences politiques

The West Wing TV Season Promo - Illusion Factory Post Production/Entertainment Marketing

La septième et dernière saison de The West Wing a beau s’être achevée en 2006, dix ans après, cette plongée au cœur du pouvoir américain figure encore parmi les séries cultes. S’y donnent à voir sept années de présidence d’un démocrate convaincu, Josiah « Jed » Bartlett.

Primé à de nombreuses reprises, ce programme a aussi été salué, pour son réalisme et son lien avec l’actualité, par les spécialistes de sciences politiques et de diplomatie. La Duke University, en Caroline du Nord, dispense même un cours sobrement intitulé « La politique étrangère américaine à travers The West Wing ». « Chaque session aborde un nouveau thème, pour lequel nous analysons des épisodes pertinents de la série, ainsi que des publications plus universitaires », précise sa présentation.

La série fut aussi à l’honneur, tout comme les plus récentes House of Cards et Scandal, d’un cours de l’American University, à Washington, analysant les rapports entre la politique, l’éthique et les médias, et notamment « l’influence des séries politiques sur la culture populaire américaine ». On trouve même, sur Internet, un guide pédagogique rédigé par deux enseignantes de l’Université de Georgie, pour sensibiliser, grâce à The West Wing, les étudiants de premier cycle à l’éthique et à la prise de décision.