Deux manifestants ont été tués, jeudi 20 juillet, au Venezuela, lors d’affrontements survenus au cours de la grève générale convoquée par l’opposition contre le projet du président Nicolas Maduro de modifier la Constitution. Barricades, commerces fermés, transports à l’arrêt : le pays était en partie paralysé. L’opposition veut que le président Maduro renonce à faire élire une Assemblée constituante et qu’il quitte le pouvoir.

Agés de 24 et 23 ans, les deux manifestants ont été tués alors qu’ils participaient à des rassemblements respectivement à Los Tuques, une banlieue de Caracas, et à Valencia, dans le nord du Venezuela, a déclaré le parquet, sans donner d’indications sur les responsables de ces morts. Le manifestant qui a péri à Los Tuques a été tué par balle, a précisé le parquet, qui a ajouté qu’une dizaine de personnes avaient été blessées au cours de ces affrontements.

Cent soixante-treize arrestations

Selon l’ONG Foro Penal, au moins 173 personnes ont été arrêtées à travers le Venezuela au cours de la journée de jeudi, principalement à Caracas et dans les Etats de Zulia et de Nueva Esparta, tous deux dans le nord-est du pays.

Les antichavistes – du nom d’Hugo Chavez, président de 1999 à sa mort en 2013, dont Nicolas Maduro est l’héritier – sont catégoriquement opposés à la désignation d’une Assemblée constituante : elle permettra selon eux de contourner le Parlement, où ils sont majoritaires depuis les élections de décembre 2015. L’opposition a annoncé que son appel à la grève générale était largement suivi. « Nous avons atteint un chiffre de 85 % de participation à la grève », a déclaré le député Freddy Guevara, vice-président du Parlement.

Peu auparavant, Nicolas Maduro a au contraire affirmé que le mouvement était peu suivi. « Nous avons de nouveau gagné (...). Les seuls qui peuvent paralyser ce pays sont les chavistes », a affirmé le président, assurant que les secteurs clés de l’économie tournaient « à 100 % ».

Dans plusieurs quartiers de Caracas et d’autres villes comme Maracaibo, dans l’ouest du pays, les rues étaient bloquées par des barricades depuis le matin. Des affrontements entre les deux camps ou avec la police ont éclaté en divers endroits.

L’opposition est lancée dans un contre-la-montre

Le 30 juillet, les 545 membres de l’Assemblée constituante doivent être élus avec pour mission de réécrire la Constitution. Pour le gouvernement, cette future assemblée sera un « super pouvoir » qui pourra dissoudre le Parlement et dont la durée du mandat n’est pas définie. Estimant le mode de désignation des candidats à l’Assemblée constituante verrouillé et trop favorable au chavisme, l’opposition a choisi de boycotter le processus électoral.

Confronté à une intense pression diplomatique, le chef de l’Etat socialiste assure que le projet de Constituante sera maintenu « pour la paix et le redressement économique » du pays et rejette les menaces de sanctions économiques « fortes » du président américain, Donald Trump, en cas d’élection de cette assemblée.

Un haut responsable de la mission vénézuélienne aux Nations unies, Isaias Medina, a annoncé sa démission pour dénoncer « la répression violente et agressive » menée, selon lui, par la « dictature » du président Maduro. Caracas a pour sa part affirmé qu’il avait été limogé.

« Guerre économique »

La grève générale est soutenue par le patronat, les chambres de commerce et d’industrie, une partie des syndicats, les étudiants et les entreprises de transport. Certains secteurs économiques, accusés par le président de mener une « guerre économique », craignent l’instauration, via l’Assemblée constituante, d’un modèle économique « à la cubaine ».

Le gouvernement, qui a menacé de sanctions les entreprises participant à la grève, contrôle la très stratégique industrie pétrolière et la fonction publique, qui compte près de trois millions d’employés. Entre décembre 2002 et janvier 2003, une grève générale convoquée par l’opposition à Hugo Chavez avait paralysé la production de la compagnie nationale des pétroles, la PDVSA. Quelque 17 000 grévistes de PDVSA avaient été licenciés. L’entreprise a dit fonctionner normalement jeudi.

Frappé par une grave pénurie d’aliments et de médicaments et une inflation galopante, le Venezuela a perdu 70 % de ses entreprises ces dix dernières années, et celles qui restent fonctionnent à 30 % de leurs capacités, selon le syndicat patronal Fedecamaras.

Soixante-dix pour cent des Vénézuéliens rejettent l’Assemblée constituante, selon l’institut Datanalisis. Un rejet confirmé par le vote massif de 7,6 millions de personnes à la consultation symbolique organisée par l’opposition dimanche.

La crise au Venezuela expliquée en quatre minutes
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