Documentaire sur Histoire à 21 h 25

Les Enchaînés

Il y a des baisers, y compris de cinéma, qu’on n’oublie pas. Celui des Enchaînés d’Alfred Hitchcock (1946), entre Ingrid Bergman et Gary Grant, compte parmi ceux-là. Lorsque le film sort en France, il se targue d’ailleurs de montrer « le plus long baiser de l’histoire du cinéma ! ». Pourtant, la censure de l’époque, par le biais du code Hays, limite de façon draconienne sa durée : pas plus de deux secondes !

Comment le réalisateur anglais est-il donc parvenu à contourner la règle ? « Hitchcock était malin. Alors, il a eu cette idée que la censure n’a jamais pu couper : un grand nombre de baisers, mais aucun ne dure plus de deux secondes », raconte Ingrid Bergman.

La pirouette fonctionne. Elle participe à montrer la grande tension sexuelle existant entre les deux personnages, tout en soulignant la tendresse et l’intimité naturelle de leur relation. Pour François Truffaut, Les Enchaînés constitue ainsi ce qu’il appelle « la quintessence d’Hitchcock », le maximum d’effets avec le minimum d’éléments. Un point sur lequel le rejoint l’historien américain du cinéma Sidney Gottlieb, qualifiant le film de « suspense émotionnel : pas de bombe mais du poison. Pas de bombe mais une relation amoureuse complexe... », explique-t-il.

Ingrid Bergman et Gary Grant dans « Les Enchaînés » d’Alfred Hitchcock

C’est certain, Les Enchaînés est un chef-d’œuvre, une magnifique « histoire d’amour enchâssée dans une histoire d’espionnage », comme le résume le journaliste Serge July, auteur avec Marie Genin de la collection « Un film et son époque. Il était une fois... ». Les auteurs proposent ici une analyse riche et passionnante du film. Grâce à de nombreux témoignages et documents d’archives, ils replacent le film et son intrigue dans le contexte de la fin de la seconde guerre mondiale. L’histoire met en effet en scène un groupe de nazis réfugiés en Amérique latine et cherchant à fabriquer une bombe atomique.

Mais c’est surtout dans le décorticage de certaines séquences clefs du film que se situe le grand intérêt de ce documentaire. De manière méticuleuse, historiens du cinéma et connaisseurs d’Hitchcock, s’attachent à montrer la précision, le génie du cinéaste. « Dans chacun de ses films, il nous apprend à regarder. Il aiguise notre regard... », dit avec admiration David Thompson.

Un film et son époque : Les Enchaînés, de Serge July, Marie Genin et David Thompson (France, 2009, 52 min).